Après presque deux mois de confinement avec des restrictions drastiques de déplacement, une vie sociale suspendue et une économie presque à l'arrêt, l'heure est au déconfinement, que le gouvernement veut progressif et différencié, en suivant l'évolution de l'épidémie dans les différentes régions du pays.
D'ailleurs, les Français ont déjà eu un avant goût de la stratégie gouvernementale pour le déverrouillage du pays dont les contours ont été présentés par Edouard Philippe la semaine dernière devant l'Assemblée nationale, avant d'être approuvée à une large majorité. Puis, lundi devant le Sénat où elle a reçu un camouflet, même si le vote des deux chambres n'avait qu'une valeur symbolique.
La stratégie gouvernementale porte sur une série de mesures touchant à plusieurs aspects de la vie quotidienne des Français, à commencer par la réouverture des écoles, sujet qui suscite des divergences entre l'exécutif, les syndicats d'enseignants, les parents d'élèves et les maires, chargés de veiller à la mise en oeuvre de la décision controversée. Ces mesures concernent aussi les déplacements interrégionaux et interdépartementaux, les transports en commun, les rassemblements, le port du masque ou encore la réouverture des commerces et des marchés et la reprise économique et les célébrations religieuses.
Ce jeudi après-midi, le chef du gouvernement, qui sera entouré de plusieurs membres de l'exécutif, dont ceux de la santé, de l'éducation, de l’économie, de l’intérieur et du travail, devra s’adresser de nouveau à ses concitoyens vers 16h00 depuis Matignon, pour leur présenter en détail les mesures prises pour amorcer une sortie du confinement, qui si elle est attendue avec impatience par certains, représente une source d'angoisse pour d'autres.
A en croire les derniers sondages, deux Français sur trois se disent inquiets face à la perspective de ce déconfinement. Ils craignent surtout une deuxième vague de contamination par le virus mortel qui a causé 25.809 décès en France depuis le 1er mars dernier, selon le dernier bilan des autorités sanitaires.
Durant toutes ses sorties médiatiques, le Premier ministre s'est toujours voulu rassurant en affirmant que la sortie du confinement ne sera amorcée que si les conditions sanitaires venaient à le permettre, en tenant compte de nombre d'indicateurs, notamment la prévalence du virus, le taux d'occupation en réanimation et surtout les capacités des services sanitaires à effectuer 700.000 tests de dépistage par semaine.
Mais si les Français s'accordent sur la nécessité d'une reprise, dans les meilleurs délais, d'une vie normale après plusieurs semaines d’assignation à domicile, ils s'opposent à ce que cette sortie se fasse dans la hâte et aux dépens de leur sécurité sanitaire. La décision du gouvernement de procéder à la réouverture des écoles et des collèges à compter de lundi prochain cristallise tout particulièrement les craintes.
Dictée, selon les observateurs, par des raisons d'ordre économique et une nécessité pressante de faire rouler à nouveau la machine industrielle du pays, cette décision va à rebours de l’avis du Conseil scientifique, justement chargé de conseiller le gouvernement sur les mesures à prendre pour lutter contre l'épidémie, et qui a recommandé à l'exécutif de fermer les écoles jusqu'à septembre.
Sur la même lancée, plus de 300 maires de communes d'Île-de-France, l'une des régions les plus touchées par le Covid-19, ont demandé dans une lettre au président Emmanuel Macron le report de la réouverture des écoles, dénonçant un « calendrier intenable et irréaliste » pour la rentrée du 11 mai, alors que les maires de plusieurs communes et villes ont décidé carrément de reporter le retour en classes à des dates ultérieures.
L’opposition à cette réouverture ne cesse de gagner du terrain au sein de l’opinion publique française, comme en témoigne le dernier sondage Elabe pour BFMTV publié mercredi, selon lequel 70% des Français se sont prononcés contre la réouverture progressive des écoles, un chiffre qui augmente de 10 points en une semaine, et de 25 points en quinze jours.
Outre l’éducation, qui soulève nombre d’interrogations, d'autres zones d’ombre de la stratégie gouvernementale subsistent notamment en ce qui concerne le port du masque après le déconfinement, le traçage numérique des patients à travers l’application StopCovid ou encore les “brigades” sanitaires et les limitations aux déplacements.
Ce jeudi donc, le chef du gouvernement devra s'atteler à rassurer ses concitoyens et fournir des réponses claires aux inquiétudes qui taraudent l'esprit d'une grande frange de l’opinion publique en France.