Si la première phase du plan belge de déconfinement a débuté officiellement le 4 mai, laissant entrevoir le bout du tunnel, elle est limitée uniquement à la réouverture des entreprises "BtoB" (à savoir celles qui n'accueillent pas de public), des merceries et des magasins de tissu pour permettre la fabrication de masques de protection, ainsi qu'à la possibilité d'exercer certaines activités sportives de plein air.
C'est surtout la deuxième phase marquée essentiellement par la réouverture de l'ensemble des commerces et des entreprises à partir du 11 mai qui fera figure de test pour les autorités fédérales et régionales quant à leur capacité à gérer cette étape s'annonçant particulièrement délicate.
Le groupe d'experts en charge du déconfinement a, en effet, insisté dans ses recommandations émises à l'adresse du gouvernement que l'assouplissement des mesures contre le Covid-19 vont dépendre, de l'évolution de l’épidémie et d’un certain nombre de conditions strictes portant essentiellement sur le maintien d'une tendance à la baisse des hospitalisations, la distanciation sociale et l’usage de masques, l'augmentation de la capacité de dépistage, ainsi que la mise sur pied d'un dispositif efficace de traçage des porteurs du virus et de leurs contacts.
Cependant, nombreuses sont les voix qui s'élèvent pour affirmer que la Belgique est loin d'être prête pour le déconfinement et mettent en garde contre une deuxième vague de contaminations.
"La Belgique n’est pas encore prête pour sortir du confinement. Ce serait galvauder les efforts de toute la population que d’en sortir trop tôt, il faudrait alors confiner à nouveau et à plus grand coût économique", avertit le virologue belge Marc Wathelet,
Selon lui, le gouvernement continue de minimiser la réalité du danger posé par le Covid-19 et de prendre des décisions qui ne sont pas basées sur la réalité du virus.
Même si la situation sanitaire continue de s'améliorer de jour en jour dans le pays avec une tendance à la baisse en termes de contaminations, de décès et d'hospitalisations, la levée des mesures de confinement laisse craindre un grand risque de résurgence de l'épidémie. Les inquiétudes ne cessent d'ailleurs de s'exacerber alors que de nombreuses incertitudes persistent d'un point de vue logistique.
Alors que les experts soulignent que la levée des mesures du confinement requiert la mise à disposition généralisée de masques de protection, la mise en œuvre d’une politique de dépistage à grande échelle et le traçage des personnes infectées et de leurs contacts, le cafouillage sur la mise en place de ces dispositifs continue de semer le doute quant à la réussite du plan belge du déconfinement.
S'agissant des masques très prisés au temps du confinement, ils le sont davantage pendant le déconfinement. Désormais obligatoires dans les transports en commun pour toutes les personnes ayant plus de 12 ans, dans les établissements scolaires qui rouvriront progressivement à partir du lundi 18 mai, ces précieux accessoires manquaient cruellement ces dernières semaines poussant les Belges à les confectionner eux-même, mais depuis quelques jours les autorités fédérales, régionales et les communes ont mis les bouchées doubles pour débloquer la situation.
Outre les communes qui ont commencé à s'activer pour garantir que chaque habitant reçoive gratuitement au moins un masque en tissu, les Régions et le Fédéral ont lancé des marchés publics pour l’achat de masques. En plus des pharmacies, les supermarchés sont désormais autorisés à vendre des masques chirurgicaux "à pris coûtants", mais encore faut-il qu'il aient des stocks à même de répondre à la demande grandissante.
La capacité du pays à fournir suffisamment de masques aux Belges et sa réaction tardive face à la pénurie de cet équipement de protection ne cessent de soulever des interrogations, tout comme l’obligation du port du masque dans certains lieux publics comme les rues commerçantes après la décision de la commune bruxelloise d’Etterbeek et d’autres de l’imposer, alors que le fédéral ne l’impose, à ce stade, que dans les transports publics.
Autre critère crucial pour rompre la chaîne de transmission du virus et réussir la levée du confinement, l'augmentation de la capacité de dépistage comme l'a promis la Première ministre Sophie Wilmès. Sauf que les promesses sont différentes de la réalité sur le terrain et l'objectif des 25.000 tests par jour avancé par le gouvernement n'est pas atteint jusqu'à présent (environ 16.000 tests ces derniers jours).
Pour augmenter la capacité de dépistage de la Belgique, les autorités sanitaires élargissent désormais les tests à "toute personne présentant des symptômes grippaux", ainsi qu'une perte du goût ou de l’odorat. Jusqu'ici, ils étaient principalement réalisés sur le personnel médical, les personnes symptomatiques hospitalisées et les soignants et résidents des maisons de repos.
Afin d'accompagner cette stratégie, les médecins généralistes peuvent désormais effectuer les tests directement dans leurs cabinets, néanmoins faute d'équipement de protection suffisants, ces derniers manifestent leur inquiétude pour leur sécurité et reprochent aux autorités des annonces "à la dernière minute" et un manque de consultation.
Le manque de matériel et de personnel qualifié dans les centres de tests et de prélèvements, ainsi que la mise à l'écart des laboratoires universitaires dans la réalisation des tests suscitent également des doutes quant à l'efficacité de la politique de dépistage de la Belgique à l'heure du déconfinement.
Des zones d'ombre persistent, par ailleurs, en ce qui concerne l'élargissement des tests aux personnes asymptomatiques ainsi que la disponibilité des tests sérologiques pour permettre à toute personne négative à un test PCR de savoir si elle a développé une immunité au Covid-19.
Pour ce qui est du traçage, autre élément décisif pour limiter la propagation du Covdi-19 est d'anticiper en prévenant les personnes étant entrées en contact avec un malade porteur du virus, le système est loin d'être au point.
Ce dispositif reposant sur des call-centers chargés d'appeler les malades testés positifs au coronavirus afin qu'ils fournissent la liste de toutes les personnes croisées a été préféré au traçage par le biais d'applications mobiles.
Les Régions, chargées de l’organisation du système, disent avoir entamé le 4 mai une phase de test avant un lancement optimal le 11 mai, mais beaucoup jugent cette solution perfectible et affirment que seule une adhésion massive des citoyens rendrait le traçage efficace.
Malgré le lancement du plan du déconfinement progressif en Belgique, la prudence reste de mise alors que la bataille contre le virus est loin d'être gagnée. La Première ministre a réitéré à maintes reprises qu'il faut garder un œil sur la situation épidémiologique tout au long de ce processus extrêmement laborieux.
Le Groupe d'experts en charge du déconfinement planche déjà sur un plan de reconfinement en cas de rebond de l'épidémie, comme vient de l'affirmer samedi sa présidente Erika Vlieghe.
Plaidant pour davantage de vigilance, la virologue insiste qu'il faut "freiner l'enthousiasme de rouvrir la société trop rapidement" sous peine de revenir à la case départ et d'anéantir les efforts consentis ces dernières semaines.