Après un léger assouplissement des mesures de confinement en vigueur dans le pays depuis le 14 mars, en permettant aux enfants de moins de 14 ans de sortir, accompagnés d'un adulte et pendant une heure maximum, depuis le 26 avril, puis en autorisant les adultes à sortir de chez eux, une fois par jour, pour se promener ou pratiquer une activité physique, depuis samedi, c'est le début de la phase zéro du plan de "déconfinement" en Espagne.
Cette étape "préparatoire" de la désescalade vers la nouvelle normalité, comme cela a été annoncé par le gouvernement, variera selon les régions en fonction de différents facteurs, parmi lesquels le taux d'infection, le nombre de lits de soins intensifs disponibles et le respect des règles de distanciation sociale.
Seules les îles de Formentera, La Gomera, El Hierro et de La Graciosa sont entrées lundi dans la "phase 1" du déconfinement, promise au reste de l'Espagne pour le 11 mai, si l'évolution de la pandémie continue dans un sens positif.
Les Espagnols sont désormais autorisés à sortir exercer des activités physiques individuelles ou se promener avec les membres du même foyer, ainsi qu'à se rendre, à certaines conditions, dans quelques petits commerces, comme les coiffeurs, qui sont autorisés à recevoir des clients individuellement sur rendez-vous.
Et pour mener à bien cette phase, le port du masque, qui était jusque-là seulement recommandé, est devenu une obligation dans les transports publics pour éviter un rebond des contagions du nouveau coronavirus.
Des millions de masques ont ainsi été distribués lundi dans les gares de trains de banlieue et les stations de métro, à travers le pays. Plus encore, dans certaines stations résonnait le message : "l'usage du masque est obligatoire pour tous les voyageurs, aussi bien à l'intérieur des wagons que dans les installations", pour rappeler aux usagers l'obligation du port du masque.
Une fois la "phase 0" achevée, les commerces, les restaurants, les hôtels, les espaces culturels et les lieux de culte pourront rouvrir progressivement, mais en respectant les strictes limites de fréquentation et de distanciation.
A l'issue de toutes les phases, dont le passage d'une à l'autre dépendrait de l'évolution de la pandémie de Covid-19, l'Espagne entrera dans une "nouvelle normalité" permettant l'ouverture totale de l'activité économique.
"Ce plan, qui sera mis en œuvre différemment selon les régions, vise en particulier à remettre le pays en marche, tout en protégeant la santé et la vie des Espagnols", a souligné le chef du gouvernement, Pedro Sanchez, pour qui cette phase de désescalade vers la "nouvelle normalité" aura, dans le meilleur des cas, une durée minimale de six semaines et maximale de huit semaines pour tout le territoire espagnol.
Malgré une évolution positive de la pandémie, qui a fait 164 nouveaux décès lundi, pour le deuxième jour consécutif, soit le bilan quotidien le plus bas depuis le 18 mars, portant à 25.428 victimes le nombre total de morts depuis l'apparition du virus, les autorités sanitaires ne cessent d'appeler à la prudence dans l'interprétation des chiffres et à faire valoir l'esprit de responsabilité pour contenir la propagation du virus.
"Les chiffres sont très bons et confirment la tendance observée ces derniers jours. Nous devons regarder s'ils se confirment dans les prochains jours", s'est félicité le directeur du Centre de coordination des alertes et des urgences sanitaires du ministère de la Santé, Fernando Simón, notant, toutefois, que ces données doivent être interprétées avec "prudence", car la transmission par les hôpitaux des chiffres de décès est traditionnellement plus lente durant les longs weekends comme celui du 1er mai.
Autre mesure jugée primordiale par l'Exécutif pour consolider les acquis réalisés jusqu'à présent et éviter tout rebond de la pandémie, d'autant plus que les autorités sanitaires soulignent l'existence d'un risque "important" de nouvelles flambées épidémiques de Covid-19, est la prolongation de l'état d'alerte de quinze jours supplémentaires, soit jusqu'au 23 mai inclus.
C'est ce qu'avait affirmé M. Sanchez, pour qui "il n'y a pas de plan B" à l'état d'alerte, appelant à la responsabilité de tous les acteurs politiques pour garantir l'adoption, pour la quatrième fois, de cette mesure mercredi au Congrès des députés.
Le ministre de la Santé, Salvador Illa, est allé bien plus loin jusqu'à juger "essentiel" le maintien de l'état d'alerte dans le pays tout au long de la phase de transition vers la nouvelle normalité, assurant que cette mesure a démontré son "efficacité" pour réduire le taux de contagion du virus et devrait permettre au pays de réagir de manière rapide face à une éventuelle flambée épidémique en cette période de levée progressive des restrictions.
Mais tous ces arguments ne semblent pas être suffisants pour persuader les partis politiques, notamment le parti populaire (PP, droite), principale force d'opposition, Ciudadanos (centre-droit) et les formations nationalistes, de décider de voter pour cette mesure.
Les partis d'opposition reprochent au gouvernement, de plus en plus critiqué pour sa gestion de la crise de coronavirus, notamment les restrictions sévères de la liberté de mouvements.
Au terme d'une conversation téléphonique lundi avec le chef du PP, Pablo Casado, le chef de l'Exécutif a averti que la non-prolongation de l'état d'alerte peut conduire l'Espagne à un "chaos" sanitaire et économique.
Lors d'une interview télévisée, M. Casado a assuré que son parti ne peut pas soutenir la prolongation de l'état d'urgence, puisque "ça ne parait pas logique de demander aux Espagnols d’accepter des mesures extraordinaires (...), alors que le gouvernement affirme que nous sommes dans une phase de désescalade (...) ça n'a pas de sens".
Alors que plusieurs incertitudes demeurent notamment sur la relance économique, les critères à retenir pour décider du passage à la phase suivante du déconfinement, l'adoption ou non de la prolongation de l'état d'alerte, ou encore la stratégie de dépistage et le traçage numérique des malades, l'Espagne avance avec prudence vers sa "nouvelle normalité".