Une situation assez déconcertante, qui a astreint les Souiris, tout comme leurs concitoyens marocains, à adapter leur quotidien durant ce mois béni au contexte de crise sanitaire et à repenser leurs rituels face à la réalité imposée par l'état d'urgence, le confinement et la distanciation sociale.
Si de coutume, les marchés et commerces à Essaouira sont investis par les ménages pour s'approvisionner en épices prisés et produits à forte consommation, indispensables pour la rupture du jeûne et la préparation de variétés de mets et de plats incontournables qui garnissent les tables du ftour, la propagation du Covid-19 et les mesures drastiques instaurées pour combattre cet "ennemi planétaire" ont complètement chamboulé le décor.
En effet, ces espaces, qui bourdonnaient il y a quelques temps, connaissent aujourd'hui une activité en demi-teinte, ainsi qu'une affluence par intermittence des chefs de ménages qui, munis de leurs autorisations de circulation exceptionnelle et portant leurs bavettes, viennent se procurer, dans le strict respect des mesures barrières, les denrées de première nécessité pour ce mois de miséricorde.
De l'avis des commerçants, la grande ruée n'est pas au rendez-vous cette année en raison de la pandémie, laissant désormais place à un ralentissement perceptible de leurs activités affectées par cette crise sanitaire.
Même cas de figure pour des gérants de petites pâtisseries qui se mettaient à pied d'œuvre afin d'orner leurs présentoirs de toutes sortes de savoureux et succulents gâteaux traditionnels (chebbakia, mkharqa, maqrout, selou et briwates entre autres), qui meublent toutes les tables du ftour.
Ils ont estimé, dans des déclarations à la MAP, que la grande affluence, qui caractérisait cette période, n'est plus la même en raison de cette situation induite par le Covid-19. Néanmoins, ont-ils ajouté, plusieurs clients parmi les habitués ont opté pour les commandes de ces délices ramadanesques et leur livraison à domicile dans le strict respect des mesures d'hygiène et de protection.
Pour des pères de familles, il s'agit, certes, d'un Ramadan "pas comme les autres", mais, admettent-ils, "nous tentons de s'adapter petit-à-petit à cette situation, qui ne laisse personne indifférente, en espérant sortir de cette épreuve le plus rapidement possible".
Quant aux maîtresses de maison, certaines d'entre elles ont indiqué qu'en raison du grand temps passé confinées, elles vaquent à la préparation, dans la mesure des moyens, de douceurs faites maison, au grand plaisir de la famille "restreinte", notamment des enfants.
Par ailleurs, qui dit Ramadan, dit quête de la proximité divine avec l'intensification des activités religieuses et la convergence en masse vers les mosquées pour les prières quotidiennes et les "Tarawih" qui rythment les jours de ce mois de ressourcement. Des actes, parmi tant d'autres, que les fidèles ne pourront pas effectuer dans les Maisons de Dieu, se contentant, malgré eux, de les accomplir à domicile en solitaire ou en famille, en attendant la fin du confinement.
Cette situation totalement inédite n'est pas sans affecter aussi l'animation assez exceptionnelle qui s'emparait de la cité des alizés et cette chaleur humaine et sociale qui se dégageait de ses différents quartiers et ruelles.
Pour de nombreux autochtones, ce Ramadan confiné restera gravé dans les mémoires, avec une ambiance moins festive que d'habitude. Toutefois, soutiennent-ils, "il va falloir composer avec cette réalité pour le bien et la santé de tous".
"Nul ne pouvait imaginer, ne serait-ce un moment, que l'on observera de notre vie un mois de jeûne semblable à celui de cette année, avec une ambiance totalement différente et des rues désertes surtout après la rupture du jeûne", a lancé, avec regret, Abdellah, un chauffeur de taxi.
Cette réalité est dure à admettre pour d'autres habitants de la ville, qui avaient l'habitude de rompre le jeûne entre amis, dans les restaurants, cafés ou simplement au bord de la mer, sans oublier la restriction des visites, réunions ou rassemblements familiaux et la privation des ftours collectifs, qui se déroulaient dans un cadre très chaleureux, convivial et de partage.
L'ambiance indescriptible propre au mois sacré de Ramadan, le bourdonnement qui caractérisait les espaces publics (restaurants, cafés etc), qui ne désemplissaient pas après la prière d'Al-Ichaa et les "Tarawih", ainsi que les balades nocturnes le long de la corniche, les rencontres et retrouvailles dans les places publiques et les parcs où l'on pouvait déambuler, individuellement ou collectivement, en toute quiétude, sont devenus de simples souvenirs, en attendant le déconfinement.
Toutefois, la société souirie demeure fortement consciente de la nécessité de faire de ce mois de Ramadan, même s'il est vécu de manière très spéciale, une occasion propice pour une véritable "méditation" et "introspection" et d'utiliser ce temps à bon escient, en veillant à raffermir les liens avec le Créateur et à renouer avec le Coran et surtout à venir en aide aux personnes nécessiteuses, qui ont été lourdement impactées sur le plan socio-économique.
A cet égard, un élan de solidarité enclenché à l'échelle locale depuis le début de cette crise sanitaire ne cesse de s'élargir à la faveur de la multiplication des initiatives et de la synergie des efforts de toutes les forces vives de la ville (Autorités, société civile, donateurs…).
Même si le confinement, Covid-19 oblige, a bousculé les habitudes liées au mois de Ramadan, les habitants d'Essaouira veillent à s'accommoder à cette conjoncture d'exception, à renforcer l'esprit de solidarité et de partage et à consacrer encore davantage ces nobles valeurs humaines d'entraide, de commisération, de compassion envers les plus démunis et d'émulation dans l'accomplissement des bonnes œuvres, des valeurs fortement ancrées au sein de la société marocaine.