En effet, contrairement à ce qui se passe ailleurs, en Algérie, il aura suffi de l’irruption du covid-19 pour que le pouvoir procède au confinement de la lutte, des revendications et du Hirak. Mais pas pour longtemps. Juste le temps de vaincre la pandémie car la raison qui a sous-tendu les manifestations occupera bientôt les esprits des mouvements sociaux dans une ultime lutte émancipatrice.
Le pouvoir algérien semble même se réjouir de l’avènement de cette pandémie qu’il vit comme un événement salutaire, tant que les Algériens ne défilent plus les mardis et vendredis pour les marches du Hirak afin "de ne pas répandre le nouveau virus".
Pour un grand nombre d'observateurs et de défenseurs des droits de l'Homme, le confinement auquel sont astreints les citoyens, qui est prolongé jusqu'à la fin du mois d’avril et probablement au-delà, révèle, outre l’intention du pouvoir de mettre à profit cette crise sanitaire mondiale pour se refaire une virginité politique, sa volonté de circonscrire l’esprit révolutionnaire et les soulèvements populaires inédits dans le pays depuis plus d’un an.
D'ailleurs, les forces vives du pays et des ONG internationales n’ont pas manqué de mettre en garde contre le recours par le pouvoir algérien à ses vieux démons répressifs pour mettre à genou la population. Ainsi, au lieu d’approvisionner les hôpitaux en matériel nécessaire pour faire face, comme les autres pays du monde, à cette pandémie, les autorités algériennes, à la faveur du coronavirus, préfèrent s’attaquer aux démocrates, aux voix dissidentes, aux opposants politiques et aux journalistes qu’elles jettent dans des culs-de-basse-fosse pour qu’ils croupissent.
Leur seul tort est de refuser que leur pays, si riche en d’incommensurables gisements de gaz et de pétrole, soit l’épicentre d’une corruption généralisée. En atteste, la série des poursuites judiciaires visant les symboles de l’Etat, qui se poursuit toujours d’ailleurs et qui a défrayé la chronique. C’est que ni la conjoncture actuelle ni les circonstances ne permettent guère aucune arrestation.
Amnesty International fait constater, à ce propos, qu'à un moment où tous les regards, au niveau national et international, scrutent la gestion de la pandémie de Covid-19, "les autorités algériennes consacrent du temps à accélérer les poursuites et les procès contre des militants, des journalistes et des partisans du mouvement du Hirak".
L'organisation de défense des Droits de l'Homme relève, à cet égard, qu'entre le 7 mars et le 13 avril courant, dans six villes en Algérie, "au moins 20 militants ont été convoqués pour être interrogés par la police, ou interpellés et placés en détention provisoire, ou condamnés pour des accusations découlant de l’exercice de leur droit à la liberté d’expression ou de réunion pacifique".
D'après d'autres organisations, la "terreur virale" se présente donc comme une bénédiction pour les gouvernants en Algérie qui ont été mis à nu sous l’assaut donné un certain 22 février 2019 par le peuple algérien galvanisé. En effet, après avoir, durant plusieurs mois, essayé vainement par tous les moyens "despotiques" de venir à bout de ce mouvement de contestation sans précédent, en mettant au devant la menace terroriste, le régime a exploité, cette fois-ci, le coronavirus et l’arrêt des marches pacifiques de mardi et vendredi pour instrumentaliser la justice et terroriser les démocrates et tous les esprits épris de liberté.
Ces derniers s’étaient d’ailleurs rendu compte qu’il n’y a aucune possibilité de dialoguer avec leurs bourreaux qui n’ont comme seul moyen de discussion que de bastonner ceux qui ont l’audace de s’opposer à eux.
Et au moment où le Covid-19 a imposé sa loi en mettant les populations du monde entier sur la défensive dans un combat par trop inégal, le pouvoir algérien a, lui aussi, imposé la sienne en bastonnant et en incarcérant à tour de bras.
Il aura de la sorte révélé le revers du confinement qui s’ajoute à la difficulté, pour de nombreux Algériens, à s’approvisionner en denrées alimentaires de base. Une situation qui s’aggravera indubitablement avec la chute brutale des cours des hydrocarbures, principale ressource du pays, qui ne génèrent plus grand-chose, au risque de se retrouver confronter à une grave crise sociale et économique.
En agissant de la sorte, les tenants du pouvoir auront montré à l’évidence que le confinement est l’ultime arme inespérée pour endiguer la propagation de la "pandémie" des soulèvements populaires qu’il craint le plus.