Au Maroc, les mosquées sont une composante essentielle qui meuble le quotidien durant ce mois de recueillement où le jeûne et la mosquée font bon ménage dans l'imaginaire collectif des musulmans, comme en témoigne leur engouement pour les maisons de Dieu à l’occasion des cinq prières mais aussi celles des Tarawih. Un enthousiasme qui fait déborder chaque année les mosquées et leurs esplanades, et même les expansions de fortune installées pour accueillir les nombreux fidèles.
Or, cette année ceux aux esprits attachés à la prière collective s’interrogent sur ce à quoi ressemblera un ramadan sans rassemblements dans les mosquées, derrière les imams, les jours des prières du vendredi, des Tarawih et de Laylat al-Qadr.
Lesquels questionnements ont été examinés par les érudits oulémas avec beaucoup de sagesse et de recul, conformément aux préceptes de la Chariâa islamique qui régissent la vie des musulmans en temps de paix comme en temps de guerre, durant les périodes de sûreté comme dans les situations de peur et de calamités.
Si les pouvoirs publics ont fait face à la crise sanitaire sans précédent avec vigilance et fermeté pour empêcher la propagation de la pandémie, l’instance scientifique chargée des Fatwa relevant du Conseil supérieur des oulémas a publié une fatwa le 16 mars, recommandant la fermeture temporaire des mosquées et la suspension de la prière collective jusqu'au retour à la normale, conformément à la Chariâa qui appelle à protéger les corps et à faire prévaloir l’intérêt sur le préjudice.
Puisant dans les principes de facilité et de miséricorde prônées par la religion musulmane, la fermeture des mosquées ne signifie aucunement l’arrêt des prières et de la récitation coranique, du moment que l'on peut faire des maisons des mosquées, conformément à la parole d’Allah : "Faites de vos maisons un lieu de prière et soyez assidus dans la prière. Et fais la bonne annonce aux croyants".
C’est ainsi que la pandémie du Covid-19 offre une opportunité pour mieux appréhender la finalité des rites et pratiques de dévotion qui ne se limitent pas aux manifestations sociales de la religion, mais en appellent à l’essence de cette dernière.
Dans ce contexte, les oulémas ont souligné qu’"à l’origine le principe des Tarawih est qu’elles soient accomplies dans les maisons", comme recommandé par le hadith authentique du Prophète : "Priez chez vous, car la meilleure prière de l'homme est chez lui, sauf pour les prières obligatoires", expliquant que l’accomplissement des Tarawih dans les mosquées a été autorisé pour aider les négligents à s’habituer aux prières dans les temps impartis pour se rapprocher de Dieu.
Le président du Conseil local des oulémas d'Oujda, Mustapha Benhamza, membre du Conseil supérieur des oulémas, a expliqué que le Prophète, paix et bénédictions d’Allah soient sur Lui, n’a pas fait de l’accomplissement collectif des Tarawih une obligation. Cette prière se faisait individuellement à l'époque d'Abou Bakr Al-Siddiq avant de commencer à être accomplie collectivement sous Omar Ibn Al-Khattab.
Concernant la possibilité de faire à distance la prière des Tarawih derrière un imam, moyennant les nouveaux médias, M. Benhamza a considéré cela comme une "radicalisation sans fondement", sans oublier que cette solution ne permet pas de suivre l’imam avec précision en raison du décalage dans le son ou l'image.
Et d’ajouter que "cette pandémie disparaîtra et il n'y a pas lieu de trop s’investir dans un débat qui peut nourrir les divisions", faisant observer que rien de ces mesures n’enlève la rétribution des fidèles pour leurs bonnes œuvres.
Néanmoins, cette crise intervient au moment où les applications et moyens de communication permettent d’alléger le fardeau de la distanciation sociale, d’entretenir les liens familiaux et de suivre les conférences et prêches en ligne.
Qui plus est, l'avènement du Ramadan dans ces circonstances est un test de la détermination, de la mobilisation et de la réévaluation des concepts, ainsi qu’une opportunité pour que soient rétribués ceux qui ont travaillé dur, chacun depuis sa position, afin de maitriser la propagation de la pandémie, et qui l’ont fait dans la patience et la persévérance.