Mais avec la prolongation de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 20 mai sur l'ensemble du territoire national en raison de la pandémie du Covid-19, le ftour à domicile s'impose comme l'unique option possible. Ce mois béni tant attendu par les Marocains, synonyme d'altruisme, de générosité, de partage et de retrouvailles, semble avoir un goût différent à l'ère du confinement.
Pas de ftours collectifs, de réunions familiales ni d'invitations à partager des repas ensemble pendant ce mois saint. Dans ces circonstances exceptionnelles la plupart des citoyens se sont trouvés dans l'obligation de passer leurs soirées ramadanesques en solitaire ou en "petite famille".
Se conformant à la lettre aux mesures relatives au confinement, les Marocains, très attachés aux traditions ancestrales et habitués à l'ambiance ramadanesque, ont fait preuve d'une prise de conscience inouïe, en s'adaptant petit à petit à ce Ramadan exceptionnel, dit "restreint".
Pour Nadia, cette mère de trois enfants, et qui habite la même ville que ses parents et ses sœurs, elle regrette le fait d'être privée de se rendre chez sa famille pendant ce mois sacré. "Qui dit Ramadan dit rassemblements familiaux, d'habitude nous partageons ensemble la table du ftour chaque jour, c'est un rituel".
"Déjà bien avant Ramadan, moi et mes sœurs, nous nous réunissons pour préparer tous les délices ramadanesques (Chebakia, Selou, Briouat...), mais cette année et en raison du confinement nous avons renoncé à cette tradition. Les préparatifs en famille étaient l'une des particularités qui caractérisent ce mois", a -t-elle dit.
En attendant le déconfinement pour pouvoir retourner à la vie normale et profiter ainsi de la chaleur et de l'ambiance familiales, on doit tous respecter les règles de la distanciation sociale pour sortir de cette crise avec les moindres dégâts, a-t-elle insisté.
Si certaines personnes ont la chance de passer le mois sacré en famille, d'autres, pour des raisons professionnelles ou autres, se trouvent obligées de passer le Ramadan en solo.
C'est tout à fait le cas de Youssef, cadre dans une banque à Marrakech, qui ne peut pas se déplacer chez sa famille à Casablanca pendant ce mois en raison de l'interdiction de circulation entre les villes.
"Ma famille me manque énormément. Au début c'était très difficile pour moi d'accepter cette situation, mais en pensant au danger imminent de ce virus et à l'état de santé vulnérable de mes parents qui souffrent de maladies chroniques je me disais que c'est la bonne décision", raconte ce trentenaire nouvellement affecté à la ville ocre.
"Confinement, boulot et jeûne, j'avoue ce n'est pas agréable de vivre ramadan loin de sa famille ni évident de se débrouiller tout seul. Mais dans ces circonstances exceptionnelles, il faut privilégier l'intérêt général et ne pas être égoïste", a-t-il dit, espérant pouvoir rejoindre sa famille le plutôt possible.
"Mon souhait le plus cher pour l'instant est de retrouver ma famille en bonne santé et de pouvoir dépasser cette crise sanitaire qui a chamboulé la vie des Marocains", a-t-il ajouté.
Quant à Jihane, une jeune étudiante en architecture, elle avait l'habitude de prendre le ftour avec ses amis dans les coins les plus branchés de la ville ocre.
"Chaque ramadan nous organisons des sorties pour découvrir des ftours succulents, incluant les saveurs du Monde, ainsi que les incontournables spécialités marocaines, dans une ambiance musicale inédite", se rappelle-t-elle, ajoutant que prendre son ftour en dehors de la maison est devenu une pratique très répandue, notamment chez les jeunes, pour briser la routine et la monotonie et vivre l'ambiance ramadanesque autrement.
"Malheureusement cette année ça ne sera pas le cas, alors j'ai décidé de profiter de ce confinement pour développer mes compétences culinaires et se concentrer davantage sur mes études", a-t-elle dit.
Si la plupart d'entre nous déplore le fait de ne pas pouvoir prendre le ftour en famille ou entre amis, certaines personnes n'ont pas de quoi manger.
Mois de générosité et de partage, le Ramadan de cette année qui intervient dans des circonstances exceptionnelles, consacre davantage les valeurs d'entraide et de solidarité qui caractérisent la société marocaine, dont fait preuve les multitudes d'initiatives adoptées pour venir en aide aux plus vulnérables.
Etat et société civile œuvrent, main dans la main, pour répondre aux besoins des catégories les plus touchées par les conséquences socio-économiques de la crise engendrée par le coronavirus.
Dans ce Ramadan si particulier, nos pensées vont surtout aux personnes démunies et à ceux ayant perdu leurs emplois. Alors n'hésitez pas à aider autant que possible.