Situé dans le sud de la capitale, le quartier pauvre de Kibera, qui signifie "Forêt" en langue nubienne, s'étend sur une superficie de 255 hectares où réside une population estimée à un million de personnes qui vivent au jour le jour, qui se débrouillent autant que possible pour subvenir à leurs besoins quotidiens les plus élémentaires, qui mangent une seule fois par jour et qui militent chaque jour pour leur survie.
"On nous recommande de rester à la maison, d'observer autant que possible les mesures d'hygiène et de se laver plusieurs fois les mains. C'est de la métaphysique", ironise un habitant du bidonville dans des déclarations relayées par les médias locaux.
"Ils recommandent de rester à la maison autant que possible. Mais comment pouvez-vous rester à la maison quand vous avez besoin d'abord de nourriture?, s'interroge ce père de trois enfants.
"La plupart des gens d'ici travaillent au jour le jour et s'ils ne sortent pas dès l'aube pour aller chercher de quoi manger, ils risquent de mourir de faim autant que leurs familles", a-t-il ajouté.
La situation s'est beaucoup aggravée avec les mesures prises dernièrement par le gouvernement pour juguler la propagation du Covid-19, dont l'isolation de Nairobi et de certaines zones côtières du reste du pays et l'imposition du couvre-feu nocturne. Ces décisions ont déjà coûté leur emploi à de nombreux Kényans qui se sont trouvés du jour au lendemain dans le chômage.
Pour le respect d'hygiène recommandée en cette période de pandémie, la mission s'avère aussi impossible voir impensable dans un bidonville où il ne fait pas bon vivre avec des ordures qui jonchent le sol et l'inexistence de système d’évacuation des eaux usées.
Sylvester Okoth, un ouvrier et père de deux enfants, juge, quant à lui, "impensable" ce que recommandent les autorités. "Comment pensez-vous préserver l'hygiène dans des situations où plus 200 personnes partagent un seul WC ? C'est un peu complexe, c'est impensable".
A Kibera, l’espérance de vie ne dépasse guère 35 ans contre 54 ans dans le reste du pays, selon les dernières données du Bureau national des Statistiques du Kenya.
Jeudi dernier, le président kényan Uhuru Kenyatta a exclu tout projet de verrouillage total du pays, tout en mettant en garde ceux qui "prennent délibérément à la légère la menace de Covid-19".
Dans une interview diffusée sur les principales stations de radio swahili, le président a insisté sur le fait que son gouvernement a mis tout en œuvre pour garantir que le Kenya ne recoure pas à un verrouillage total.
"Nous ne voulons pas opter pour un verrouillage total. Nous avons veillé à ce que le plus de personnes possible devraient travailler à domicile, mais nous avons aussi permis à ceux qui doivent aller travailler de le faire, à condition qu'ils suivent les directives que nous avons données", a insisté le président Kenyatta.