Perdus dans leur bulle, ils leur est difficile de vivre dans un environnement où règne le silence et dans lequel ils ne réagissent que dans un espace de plus en plus restreint, pour se retrouver cloitrés pendant de longues semaines entre quatre murs. Une situation qui génère chez eux des sentiments d'insécurité et des troubles des émotions et de comportement.
Souffrant d'anomalies du neuro-développement qui se manifestent par des anomalies comportementales, en particulier une réticence au changement et une tendance à la répétition de comportements ou de discours, ces enfants se sentent déstabilisés par les situations de changement radical du quotidien.
A ce sujet, la présidente du Collectif Autisme Maroc, Soumia El Amrani, a estimé que le confinement est l'occasion d'attirer l'attention des familles, des spécialistes et des personnes œuvrant dans le domaine sur les habiletés sociales en la matière, surtout quand il s'agit de gérer des circonstances exceptionnelles.
"La négligence de cet aspect a eu plusieurs impacts négatifs sur les personnes atteintes d'autisme et sur leur entourage", a-t-elle indiqué, expliquant que parmi les problèmes communs chez la plupart des familles pendant la période d'état d'urgence sanitaire figurent les troubles du sommeil et parfois l'insomnie, l'angoisse, le stress et l'attachement à une personne, généralement la maman en tant qu'élément de sécurité.
Les familles se retrouvent désormais confrontées à un changement brutal de leur mode de vie, départagées entre la gestion quotidienne des tâches ménagères imposées par le coronavirus (Covid-19), l'accompagnement scolaire des enfants ou encore la formation pédagogique de l'enfant autiste, fait observer l'actrice associative.
Il s'agit, pour la pédopsychiatre Amal Boukhout, d'une période difficile à gérer par les parents qui doivent renoncer aux objectifs qu'ils se sont fixés au préalable pour leur enfant et s'adapter à la nouvelle donne.
Elle a dans ce sens expliqué que lors du confinement, il peut y avoir une régression dans les comportements de l'enfant autiste, comme la stimulation autosensorielle. Il peut passer une journée à effectuer des mouvements répétitifs, comme se balancer ou tourner sur lui-même, ce qui peut l'aider à atténuer le degré d'anxiété et de stress, a-t-elle dit.
La spécialiste a aussi fait observer que l'enfant autiste peut être en proie à des crises de colère et de frénésie ainsi que des comportements d'automutilation. "A ce stade, il est primordial d'isoler l'enfant jusqu'à ce qu'il se calme et le garder à l'écart des stimuli négatifs", a-t-elle ajouté, mettant en garde contre la surexposition des enfants aux écrans et soulignant la nécessité de leur proposer des activités diversifiées.
Évoquant les mesures préventives entreprises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, Dr. Boukhout a relevé qu'en cette conjoncture exceptionnelle, il est important de prendre le temps d'expliquer aux enfants autistes ce qui se passe en vulgarisant la crise sanitaire actuelle.
Elle a en outre mis l'accent sur l'importance de leur proposer un emploi du temps quotidien avec des images qui contiennent les activités et les rituels de la journée, en prenant en considération l'heure de réveil habituelle et de coucher.
Les activités diffèrent en fonction de l'âge et du niveau d'intelligence et de scolarité de l'enfant atteint de troubles du spectre autistique, a indiqué le médecin, ajoutant que "la période du confinement peut s'avérer l'occasion idoine pour eux de devenir indépendants".
S'arrêtant sur l'enseignement à distance, Mme El Amrani a relevé l'impératif de mettre en place des programmes éducatifs comportementaux, supervisés par des spécialistes.
Dans cette optique, certaines associations œuvrant dans le domaine ont développé des programmes de communication à distance dédiés aux adhérents via des applications sur les réseaux sociaux, en envoyant des orientations et des conseils visant à alléger les effets psychologiques engendré par le confinement sous forme de vidéos, d'audios ou de capsules.
Mme Amina Belkatani, formatrice à l'association Basma pour les personnes en situation de handicap, a précisé que l'association a poursuivi ses activités au profit de ces enfants à travers les techniques de communication à distance et a mis à la disposition des parents des conseils et des orientations pour les accompagner tout au long de la journée.
Selon le témoignage d'une maman, ces communications à distance sont nécessaires même en dehors du confinement, notant que la prise en charge des enfants autistes émane d'une responsabilité partagée entre la famille, les associations de la société civile et les autorités concernées, compte tenu de la difficulté que rencontrent certaines familles en matière d'accès aux centres de réhabilitation.