Pour les résidents d'un pays lointain comme le Canada, l'obligation de confinement et de distanciation sociale implique, hélas, un devoir de retenue face à l'envie de rencontres familiales, l'une des facettes des traditions marocaines séculaires.
Pis encore, les fidèles se doivent encore composer avec l'idée qu'il n'y aura pas de prière de Tarawih, ni d'Iftars collectifs, où s'illustrent les valeurs d'entraide et de proximité sociale. Pourtant la situation n'est pas à ce point déconcertante pour une communauté qui s'adapte et innove, tout en étant particulièrement solidaires en ces temps de confinement.
A Montréal, le Centre communautaire Annour a mis en place une initiative spécialement pour le mois sacré afin de collecter les dons destinés à la Zakate et à l'Iftar destiné aux nécessiteux.
"Même en plein crise sanitaire, des paniers de Ramadan seront distribués aux jeunes et aux familles démunies et un Iftar journalier sera offert durant le mois sacré aux personnes dans le besoin, mais dans le respect de la distance sociale", a confié à la MAP le président du Centre Abdelaziz Rziq.
En outre, des fonds collectés pour la zakat seront versés directement sur les comptes des personnes ciblées, a-t-il ajouté, soulignant que par la même occasion, une série de conférences seront données en ligne sur les enseignements de l'Islam comme religion de tolérance et de solidarité.
Dans le souci d'inciter les gens à observer les consignes du confinement, l'association veille à "l'adaptation de l’appel à la prière pour inciter les fidèles à accomplir la prière à domicile", a relevé M. Rziq, précisant qu'une telle initiative trouve son fondement dans le Hadith.
A Toronto, l’Association marocaine de Toronto, en collaboration avec l'ambassade du Maroc à Ottawa, a décidé d’organiser l'initiative "Panier du Ramadan" en faveur des étudiants marocains dans le besoin qui sont établis dans la grande région de Toronto.
"Les étudiants peuvent bénéficier soit d'une carte d’environ 100 dollars pour faire les courses auprès d'un traiteur ou bien s'offrir leur panier de Ramadan", a expliqué le président de l’association, Faouzi Metoualli.
Des femmes marocaines trouveront leur compte dans cette action de portée humanitaire en préparant des gâteaux marocains en faveur des jeunes, a-t-il poursuivi, relevant que l’association prévoit aussi d’organiser une conférence religieuse virtuelle.
Sur le même élan de solidarité, l'association des "Voix de Marocains du Canada" a lancé en collaboration avec l'organisation Human Concern International, l'opération "Panier Ramadan ville de Québec", pour venir en aide aux personnes dans le besoin.
Autant d’initiatives que les membres de la communauté s'attèlent à faire aboutir en dépit des difficultés rencontrées en ces temps de pandémie, une dynamique révélatrice des brassages sociaux et des valeurs de proximité qui règnent au sein d'une communauté des plus actives.
En effet, cette chaîne de solidarité mise en place depuis des années, grâce à la générosité de mécènes et de bénévoles, se heurte parfois à des difficultés cette année en raison du confinement et de la nécessité de préserver les mesures de protection de la santé imposées par le gouvernement pour freiner la propagation du coronavirus.
Sur ce registre, Najat Zahid, de l’organisation "Femmes Autrement", a estimé qu’en raison de la situation exceptionnelle actuelle, l’ONG peine à organiser son initiative solidaire "Paniers de Ramadan", par laquelle des dizaines de familles défavorisées musulmanes et non musulmanes ont droit à une assistance pendant le mois de jeûne.
Elle a toutefois fait remarquer que cette année, les tables de l'Iftar de bon nombre de familles résidant au Canada seront garnies de mets faits maison, du fait que les femmes passent plus de temps à domicile, confinement oblige.
"Au lieu de passer une commande pour les spécialités marocaines du mois sacré, cette année je les prépare moi-même au grand bonheur de la famille", a-t-elle confié en souriant, relevant que bon nombre de mères de famille marocaines ont pris la même décision.
De même, plusieurs Iftars collectifs en ligne seront organisés entre familles et amis, "une autre façon de se rapprocher et de partager des moments de convivialité tout en restant chez soi", a-t-elle soutenu.
Pour sa part, Abdellah El Asraoui, propriétaire d’un restaurant-pâtisserie marocain, explique qu'à l'instar de tous les restaurants de Montréal, il a été obligé de fermer ses portes. Toutefois en cette période du mois sacré, il se focalise sur la préparation des commandes spéciales Ramadan.
Dans le respect des consignes du ministère de la Santé, le restaurant n’aura pas d'étalage de gâteaux, chebbakia, sellou et autres. "Les commandes seront préparées et emballées pour être livrées aux clients", a-t-il expliqué, relevant qu'il est frappant cette année de constater que les gens ont tendance à commander de grandes quantités, «probablement pour limiter les déplacements en raison du confinement».