En ces temps de confinement, le monde a assisté à une chute spectaculaire des prix du pétrole à New York, provoquée principalement par une baisse de la demande, due à la pandémie de coronavirus, et des réserves de stockage américaines quasi-pleines.
Ainsi, le cours du baril de brut léger américain (West Texas Intermediate, WTI) pour livraison en mai, a d'abord dévissé à zéro avant de terminer à un prix négatif de -37,63 dollars, les investisseurs et spéculateurs étant prêts à s'en délester à tout prix, un fait inédit depuis près de 40 ans de cotation.
Comme plusieurs marchandises, le pétrole peut s'acheter "cash", pour des livraisons instantanées, mais à New York, le brut est coté sur un marché à terme car il s'agit d'un produit spéculatif, a expliqué, dans une déclaration à la MAP, l'analyste financier basé à Paris, Omar Abouhafs.
"Le vendeur et l'acheteur se fixent un prix ferme aujourd'hui pour une livraison de pétrole à une date ultérieure préalablement déterminée", a-t-il relevé, notant que le prix pour les livraisons de WTI du mois de mai a dégringolé de 300% puisque les contrats arrivent à échéances et personne ne souhaite se trouver avec des barils en surplus en cette période d'incertitude et de faible demande.
"C'est impressionnant car c'est la première fois dans l'histoire qu'on a un prix négatif pour des livraisons du mois suivant", a-t-il fait remarquer.
En dépit de l'accord de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et de ses partenaires, qui se sont engagés mi-avril à réduire leur production de 10 millions de baril par jour, un stockage du brut s'impose en attendant la reprise, a noté l'analyste, rappelant qu'aux Etats-Unis, premier producteur mondial devant la Russie et l'Arabie saoudite, les espaces de stockage approchent de la saturation.
Lundi, le cabinet Rystad Energy a estimé que la capacité de stockage restante était de 21 millions de barils à Cushing, la ville de l'Oklahoma où sont stockés les barils servant de référence au WTI. A ce rythme, la capacité de stockage américaine arrivera à saturation courant mai prochain.
Avec les plateformes de stockage déjà énormément gonflées, les producteurs se sont redirigés vers les "tankers", des navires citernes servant à transporter le pétrole pour stocker leur or noir, a fait observer M. Abouhafs.
Cependant, la demande pour ces navires pétroliers a explosé et les prix de location s'envolent à 150.000 dollars par jour au lieu de 30.000 dollars auparavant, a précisé l'analyste. "Les producteurs préfèrent non seulement vendre à perte mais payer les acquéreurs qui décident d'acheter leur stocks "fardeau", a-t-il fait savoir.
Selon l'analyste, les retombées de cette crise pétrolière sont difficiles à cerner. "Elles sont certainement terribles pour l'industrie du pétrole de schiste aux Etats-Unis et plus particulièrement pour ses petits producteurs qui commencent a déclaré faillite", a t-il poursuivi.
"Même un poids lourd, comme la société américaine de schiste Whiting Petroleum a déjà fait banqueroute à la surprise générale, mettant des milliers d'employés au chômage et laissant des milliards de dollars de dettes", a constaté M. Abouhafs.
Sans l'intervention de l'Etat pour freiner l'hémorragie et injecter des milliards de dollars pour soutenir l'économie (2.000 milliards de dollars annoncés par le président américain), "le bout du tunnel sera difficilement atteignable", a souligné l'analyste financier.
Les analystes s'accordent sur le fait que les mois à venir, plus de réponses seront apportées avec le déconfinement progressif annoncé dans plusieurs pays du monde et la reprise économique qui portera bien évidemment les cours de pétrole à des niveaux plus raisonnables, a conclu M. Abouhafs.