La présidente de l'AMSF, Mme Nadia Ouzahra passe en revue, dans une interview avec la MAP, les défis de la santé reproductive au Maroc durant l'état d’urgence sanitaire, et l'apport de son association en la matière, ainsi que les différents plans d'action élaborés pour faire face à cette pandémie ravageuse.
1- Votre association hisse le slogan "Sage femme en action pour la promotion de la santé reproductive", qu'en est-il durant l'actuel état d’urgence sanitaire ?
La sage-femme est la référence, la pierre angulaire de la santé reproductive. Nul ne peut nier son rôle capital dans la vie de chaque femme.
Les domaines de son intervention sont nombreux et englobent tout le paquet de soins de la santé sexuelle et reproductive, notamment la planification familiale, la sensibilisation de la femme enceinte, la surveillance de la grossesse, la pratique de l’accouchement, la prévention des complications obstétricales et la participation active dans leur prise en charge médicale.
Elle est l'animatrice des bases opérationnelles où sont organisés et délivrés les soins pour les femmes et les nouveaux-nés et même de toute la communauté.
A l’ère du Covid-19, les sages-femmes au Maroc, à l’instar des autres professionnels de la santé, sont en première ligne pour accomplir leur devoir et honorer leurs engagements professionnels en ne ménageant aucun effort pour servir les femmes et la communauté entière.
Elles sont plus que jamais motivées et mobilisées à jouer pleinement leur rôle en concertation avec toutes les autres composantes de notre pays.
Elles sont outillées de la bonne volonté et du savoir-faire pour fournir des soins appropriés dans les meilleures conditions en respectant les mesures d’hygiène et de prévention pour faire toujours de la naissance un événement heureux.
2- Le bureau pays du Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP) a lancé récemment l’opération SALAMA pour l’hygiène et la prévention du COVID-19, en étroite collaboration avec votre association, dont la première phase concernera les femmes enceintes et les professionnels de santé, en particulier les sages-femmes, que pourriez-vous nous dire sur ce sujet ?
En effet, cette initiative est très symbolique, vu l’intérêt qu’accorde le FNUAP à la santé reproductive, aux femmes enceintes et aux sages-femmes pour les protéger. C'est aussi une façon d'appuyer au quotidien les sages femmes dans leur exercice professionnel.
Donc, ce n’est pas nouveau pour nous, en tant qu’association des sages femmes, car le FNUAP nous a toujours accompagné et soutenu pour mener à terme les objectifs d'amélioration des prestations de la santé reproductive.
Les "Salama kits" destinés aux sages-femmes et aux femmes enceintes contiennent, en plus des moyens d’hygiène et de prévention du Covid-19, des messages de sensibilisation, visant à adopter un comportement sain afin de se prémunir d’une éventuelle contagion par le Covid-19.
3- L’actuel contexte de la crise sanitaire dû au Covid-19 n’empêche pas les femmes de tomber enceintes et d’accoucher, et elles doivent être accompagnées de très près en termes d’information et de protection, comment vous allez réagir face à ce constat?
En effet, en cette année, environ deux millions de femmes sont enceintes au Maroc.
Les structures de santé continueront à fournir les prestations de surveillance de la grossesse et les maternités sont prêtes à recevoir les femmes pour l'accouchement.
A cet égard, il faut nous adapter à cette situation de crise sanitaire, et pour assurer un bon déroulement du service au sein de la maternité, nos sages femmes sont disponibles et outillées pour y faire face. Elles vont continuer à fournir les prestations de suivi de la grossesse, de prévention par le port des bavettes et de mise en isolement, et à sensibiliser davantage les femmes enceintes et leur entourage pour que la grossesse passe dans des meilleurs conditions.
Pour les accouchements, les sages-femmes au niveau des maternités sont prêtes pour effectuer des accouchements sans problèmes en respectant les mesures de précautions nécessaires pour protéger les femmes et leurs nouveau-nés de toute contagion.
Pour les cas suspects, elles vont contribuer à les dépister et les orienter dans les centres de prise en charge (dépistage clinique).
Les accouchements, normaux ou par césarienne, se déroulent dans un contexte qui répond aux mesures d’hygiène et de prévention du Covid-19, car dans chaque maternité, les responsables ont prévu des salles d’isolement pour les cas suspects, jusqu’à confirmation des cas (pour la région Rabat-Salé-Kénitra, l’hospitalisation des femmes enceintes Covid-19 se fait au niveau de la maternité Souissi).
4- Le Covid-19 a imposé de nouvelles mesures, est-ce que la vaccination des enfants de 0 à 5 ans pose un problème pendant l'état d’urgence ?
La vaccination est le meilleur moyen de protéger les enfants contre les maladies contagieuses surtout pour cette tranche d’âge de 0-5 ans, qui est une population vulnérable.
Pendant cet état d’urgence sanitaire, les centres de santé continuent à fournir les prestations essentielles, dont la vaccination. Ces enfants continuent à se faire vacciner sans pour autant poser un problème, et bien sûr tout en appliquant les mesures optimales d’hygiène et de prévention du Covid-19.
5- Quels sont vos plaidoyers concernant l’ordre des sages femmes, les difficultés du métier…etc?
Aujourd’hui, les sages femmes au Maroc ont une réglementation qui régit leur exercice professionnel avec la promulgation de la loi 44-13.
Notre plaidoyer pour l’ordre des sages-femmes se poursuit. D’ailleurs, avec l’appui du FNUAP, on a élaboré un projet de création de cet ordre qui a été soumis au ministère de la Santé au même titre que le projet des textes d'application de la loi 44-13, et nous attendons impatiemment la validation des arrêtés.
Nous avons organisé le 5 mars 2020 une table ronde pour présenter et discuter notre projet de création de l’ordre des sages femmes en présence de toutes les parties prenantes, et ce projet est en étude par la Direction de la Réglementation et du Contentieux avant qu’il ne soit soumis au Secrétariat général du gouvernement.
Les sages femmes ont, aussi, le droit de recevoir une meilleure formation pour avoir les compétences et les habilités nécessaires à prodiguer des soins de qualité. Leur formation a connu un saut qualitatif indéniable grâce aux efforts de tous, puisque la formation des sages femmes répond au système LMD, et nous comptons plusieurs doctorantes parmi nos rangs.
A cet égard, nous continuons à revendiquer une amélioration des conditions et un environnement propice à l'exercice du travail de sage femme, qui peut s’avérer stressant, vu sa particularité et sa spécificité.
Enfin, nous ne cesserons pas de signaler le nombre insuffisant des sages femmes dans nos structures sanitaires. Les normes universelles stipulent 6 sages-femmes pour 1000 naissances. En plus, il y a un déphasage entre les sages femmes formées et celles recrutées dans les services de santé, et nous réitérons notre appel aux décideurs de revoir la situation de près de 2200 sages femmes au chômage.