En ces temps difficiles, où les valeurs de solidarité et d'entraide sur lesquels est bâtie l'Union européenne devaient prendre tout leur sens, l’égoïsme et l'individualisme ont plombé davantage une Europe fragilisée par une succession de crises.
Frappée de plein fouet par le coronavirus, l'UE a traîné pendant de longues semaines son incapacité à apporter une réponse commune et audacieuse à cette pandémie, faisant preuve d'une impuissance et d'une apathie déconcertantes.
Pays européen le plus endeuillé par le coronavirus, l'Italie a fait les frais de cette approche de "chacun pour soi", se retrouvant esseulée et sans armes au milieu d'un combat sans merci.
La présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen, a fini par faire son mea-culpa il y a quelques jours, reconnaissant un retard de réaction de l'UE face à la pandémie et un manque de solidarité avec l'Italie.
"Je vous présente mes excuses", a-t-elle dit dans une lettre adressée aux Italiens, le 2 avril, soulignant que si l'Europe se mobilise aujourd'hui aux côtés de l'Italie, cela "n'a pas toujours été le cas".
De l'aveu de la présidente de l'Exécutif européen, l'Italie n'a pas pu compter sur la solidarité européenne lors de cette crise sans précédent. L'une des manifestations les plus éloquentes de ce manque d'entraide et de coopération, la guerre des masques et des équipements de protection que se sont livrés certains États membres.
L’interdiction d'exportation des médicaments et équipements vitaux entre voisins européens, vols de masques et autres comportements individualistes ont mis à mal les valeurs fondamentales de l'Europe.
Pour prendre les devants dans cette guerre fratricide, l'UE a tenté de rétablir la coopération entre les États membres en lançant la réserve d'urgence "rescEU" qui vise à permettre aux pays européens d'avoir un accès rapide à des équipements médicaux, tels que les respirateurs et les masques de protection.
Outre l'urgence sanitaire, les appels ont fusé de toutes part ces dernières semaines pour réclamer une réponse économique audacieuse et concertée de l'UE face à la pandémie.
Prise au dépourvu, l'UE a peiné à réagir rapidement et efficacement face à cette crise. Même si elle a pris une série de mesures visant à atténuer les conséquences économiques de la pandémie, à savoir notamment la mise à disposition des États membres de 37 milliards d'euros des fonds structurels européens existants, la suspension de l’application des règles budgétaires européennes et l'autorisation d'aides d'Etat aux entreprises, l'UE a été appelée à mettre les bouchées doubles pour limiter la casse, alors qu'une profonde récession se profile dangereusement à l'horizon, le Fonds monétaire international estimant même que le coronavirus pourrait engendrer au niveau mondial "les pires conséquences économiques depuis la Grande Dépression" de 1929.
Après de longues discussions infructueuses entre les États membres et des divergences sur les stratégies à adopter pour sauver une économie ankylosée par le Covid-19, les Vingt-sept se sont finalement entendus sur une riposte économique unie.
L'accord conclu jeudi par les ministres européens des Fiances, réunis au sein de l'Eurogroupe, porte sur un plan de sauvetage de 540 milliards d'euros pour soutenir les entreprises, les travailleurs et les budgets des États les plus fragilisés par la pandémie.
Il mettra à contribution la Banque européenne d’investissement (BEI) à travers un fonds de garantie de 200 milliards d'euros destiné aux entreprises, le plan "Sure" de la Commission européenne qui affectera 100 milliards pour soutenir le chômage partiel, ainsi que le Mécanisme européen de stabilité (MES) à hauteur de 240 milliards d’euros.
Le recours au MES, dispositif de gestion des crises financières mis en place en 2012, avait été l'un des principaux poins d'achoppement lors des négociations sur la réponse économique de l'UE.
Les Pays-Bas s'étaient, en effet, montrés particulièrement inflexibles en insistant pour que ce dispositif permettant aux pays les plus affectés d'avoir accès à des lignes de crédit à des taux très bas soit assorti d'une conditionnalité sévère, notamment des demandes de réformes. Une option totalement rejetée par l'Italie.
Afin de sortir de l'impasse, l’Allemagne a proposé un compromis allégeant ces conditions de façon à ce que les pays les plus touchés par la pandémie puissent recevoir des prêts à condition que ceux-ci soient consacrés "directement ou indirectement" à des dépenses de soin de santé.
L'accord sur lequel se sont mis d'accord les Vingt-sept prévoit aussi la création d'un futur "Recovery Fund", un fonds de relance temporaire et ciblé dont la taille et le mode de fonctionnement n'ont pas encore été précisés.
Cette réponse économique européenne a certes apporté une lueur d'espoir en une unité européenne retrouvée, mais les pays les plus touchés, notamment l'Italie, estiment que ce plan à plus de 500 milliards d'euros n'est pas à la hauteur du défi.
"Les premières estimations nous disent qu’il faut 1.500 milliards d’euros", a martelé le Premier ministre italien Giuseppe Conte, réclamant de nouveau un système de mutualisation de la dette sous la forme d'euro-obligations connues sous l'intitulé des "corona bonds".
Cet outil visant à disposer de fonds importants pour contenir le choc économique et favoriser la reprise de la croissance face la pandémie suscite toutefois des divisions entre les États membres. Si l'Italie, l'Espagne, la France et six autres pays européens plaident pour ces "corona bonds", d'autres États membres, en particulier l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande et les Pays-Bas écartent cette solution, réitérant leur refus de s'inscrire dans une démarche commune avec les États endettés du Sud, jugés "laxistes" dans leur gestion budgétaire.
La question controversée des "corona bonds" sera sans doute sur la table des dirigeants européens qui tiendront le 23 avril un sommet par vidéoconférence qui sera consacré à la stratégie de relance économique de l'UE face à la pandémie du coronavirus.
Alors qu'elle cherche désespérément à afficher son unité, l'UE tente vaille que vaille de redorer son blason sur l'échelle internationale en soutenant les efforts déployés par les pays tiers pour lutter contre le coronavirus. La Commission européenne a mis en place, dans se sens, le dispositif "Team Europe" mobilisant un montant de 20 milliards d'euros en faveur des pays partenaires de l'Union. Mais à quel point cette enveloppe s'inscrit-elle dans les engagements pris par l'UE dans ses discours et promesses envers les pays du sud ?