1-Quel est l'impact de la crise sanitaire du Covid-19 sur l'économie marocaine?
La crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19 a généré des impacts socio-économiques considérables. Plusieurs secteurs sont concernés. Il s’agit en particulier des secteurs exportateurs, dont une bonne partie rencontre des problèmes d’approvisionnement et d’écoulement. Nous pouvons citer, à titre d’exemple, les secteurs de l’automobile, du textile-habillement et même celui de la transformation des produits de la pêche.
Il y a lieu également de mettre l’accent sur le secteur du tourisme, suite à l’arrêt du trafic aérien et au confinement qui ont eu pour conséquence directe la baisse, voire l’arrêt des activités d’hébergement, de restauration, des agences de voyages, des sociétés de transport touristique et des sociétés de location de voitures.
La crise touche aussi le secteur des transports qu’il soit aérien, ferroviaire ou terrestre, ainsi que des investissements directs étrangers, qui sont en grande partie originaires des pays européens touchés par la même crise sanitaire.
La baisse ou l’arrêt des activités suite aux mesures préventives prises par les pouvoirs publics menace non seulement les emplois qui sont liés, mais également la création de valeur et donc la croissance économique. Il en découle que les hypothèses sur lesquelles a été élaborée la loi de finances 2020 sont à revoir, ainsi que les prévisions en matière de recettes et de dépenses publiques.
Pour faire face à ces effets socio-économiques, SM le Roi Mohammed VI a donné Ses Hautes Instructions pour la création du Fonds spécial pour la gestion de la pandémie du Coronavirus, et ce en vertu de l’article 70 de la Constitution et de l’article 26 de la loi organique relative à la loi de finances. Un comité de vigilance économique a été mis en place, en vue d’anticiper les répercussions économiques de cette crise sanitaire et de proposer les mesures qui s’imposent. Celles-ci concernent à la fois les entreprises touchées que les couches sociales affectées. Concernant cette dernière catégorie, la mise sur pied du registre social unique s’impose avec acuité.
2-Est-ce que l'après-coronavirus devrait inciter à revoir certains choix économiques nationaux?
Il est certain que cette crise sanitaire, qui représente le premier coup dur subi par la mondialisation, impose la révision des choix économiques et par conséquent la reconsidération des priorités en matière de politiques publiques.
Nous estimons qu’il est temps de donner à la politique de solidarité la valeur qu’elle mérite, vu que la limitation des impacts socio-économiques de la crise sanitaire passe par une cohésion sociale encadrée par une politique publique guidée par les différentes institutions publiques concernées.
Nous pensons également qu’il est urgent d’accélérer la stratégie de l’administration numérique non seulement pour garantir un meilleur accès des citoyens aux services publics (Éducation et formation, soutien des ménages, services publics divers), mais également pour accompagner la stratégie nationale de l’inclusion financière.
Il est également primordial, vu les effets auxquels nous assistons, que les autorités publiques œuvrent pour asseoir la sécurité économique aussi bien en matière alimentaire qu’au niveau sanitaire. En un mot, l’indépendance sur les plans alimentaire, sanitaire et technologique doit être relevée au rang de priorité en matière de politiques publiques.
Ce sont des choix à prendre en considération dans le cadre de la réflexion autour du nouveau modèle de développement.
3-Comment l'économie nationale pourrait-elle absorber les chocs induits par cette crise ?
Sans nul doute, l’absorption des chocs induits par la crise sanitaire requiert l’utilisation des deux instruments privilégiés en matière de politiques macroéconomiques, à savoir la politique budgétaire et la politique monétaire.
La limitation des impacts constatés et à venir nécessite une action par les recettes (une batterie de mesures a été prise) et par les dépenses publiques. En somme, il est question d’intervenir par le biais du déficit budgétaire. Il est à noter qu’un projet de loi sera soumis au gouvernement pour autoriser le ministère de l’économie, des finances et de la réforme de l’administration à dépasser le plafond prévu par la loi de finances 2020 au titre des emprunts extérieurs. Cette mesure intervient en vue de faire face à l’accroissement du déficit budgétaire, mais également pour éviter toute baisse des réserves de change.
L’absorption des chocs liés à la crise sanitaire actuelle remet à l’honneur le rôle de la politique monétaire pour soutenir l’activité économique en pourvoyant le secteur bancaire de liquidités nécessaires et suffisantes. L’injection de liquidités se fait via le dispositif d’intervention de la Banque Centrale sur le marché monétaire.
Les résultats de ces interventions seront certainement probants et couronnés de succès, à condition qu’il y ait une coordination optimale entre la politique budgétaire et la politique monétaire.