Bien que les moyens de transport sont devenus une nécessité du quotidien pour la circulation des biens et des personnes, il n’empêche que l’humanité leur doit plusieurs épisodes épidémiologiques tragiques comme la propagation de la peste noire, du choléra et plus récemment du SRAS, de la grippe porcine et du MERS.
Au cours des 300 dernières années, dix grandes pandémies se sont produites, dont celle de la grippe espagnole de 1918, considérée comme étant la plus grave avec près de 30% de la population mondiale infectée et entre 50 et 100 millions de décès.
L’un des facteurs expliquant la propagation fulgurante de la grippe espagnole étaient les moyens de transport moderne, qui au début du 20e siècle offraient une couverture mondiale. Résultat, le virus s’est propagé dans le monde, véhiculés par des équipages et des passagers de navires et de trains infectés.
Selon une étude intitulée “The Geography of Transport Systems” (Géographie des systèmes de transport, 5ème édition, 2020), d’un point de vue épidémiologique, le transport peut être considéré comme un vecteur de propagation, notamment celui des passagers.
“Plus le transport est efficace, plus le vecteur qui transmet les maladies infectieuses est efficace”, assure le chercheur canadien, Jean-Paul Redrigue, co-auteur de l’étude et spécialiste en géographie des transports, mettant en garde contre les dangers que représente l’actuelle configuration des transports en termes de propagation des épidémies.
Dans le passé, un navire pouvait être mis en quarantaine et il y avait suffisamment de temps pour qu’une infection se déclare pendant un voyage et que les symptômes se déclarent, donnant un certaine visibilité à la situation épidémiologique, assure le chercheur.
Aujourd’hui, il n’en est rien car avec l’augmentation de la vitesse des moyens de transport, la durée d’un voyages longue distance est inférieure au temps d’incubation de nombreuses variantes de virus, d’où le risque d’infection à grande échelle.
Un avis partagé par le virologue Thomas Luke du Naval Medical Research Center, qui impute la propagation exponentielle du covid-19 dans le monde au “niveau de connectivité élevé de la Chine”, berceau de la pandémie, mais aussi au fait que le virus a été découvert aux alentours du nouvel an chinois, une période de grande mobilité des passagers en Chine. En 2019, environ 415 millions de personnes avaient voyagé pour l’occasion.
Selon lui, la croissance du transport aérien domestique et le développement d’un réseau ferroviaire à grande vitesse ont soutenu une croissance substantielle de la mobilité nationale en Chine, à en croire les chiffres de 2019 qui font état de 659 millions de Chinois ayant voyagé par voie aérienne contre 266 millions en 2009, soit plus du double. De plus, 166 millions de touristes chinois avaient voyagé à l’étranger pendant la période indiquée.
L’apparition du nouveau coronavirus à Wuhan en décembre a provoqué un arrêt graduel des vols depuis et vers la Chine, puis une fermeture des espaces aériens internationaux. De telles mesures avaient été observées en 2010 lorsque l’Espace aérien européen a été fermé en raison d’une éruption volcanique en Islande.
Face à la propagation du virus dans le monde, le Maroc, à l’instar de plusieurs pays, a adopté une panoplie de mesures préventives dont la suspension des liaisons maritimes et aériennes avec plusieurs pays, et décrété un état d’urgence sanitaire assorti d’un confinement, le 18 mars.
Au volet des transports, ces mesures ont également porté sur la suspension de la circulation des transports publics entre les villes, à l’exception des déplacements pour des raisons de santé et professionnelles prouvés par des documents délivrés par les administrations et les établissements, à partir de samedi 21 mars à minuit.
Le jour même, l’Office national des chemins de fer (ONCF) annonçait la suspension de tous ses trains de ligne. Seuls les trains de proximité reliant Casablanca-Rabat-Kénitra, Casablanca-Aéroport Mohammed V, Casablanca-Settat et Casablanca-El Jadida continuent à assurer le service minimum au profit des personnes se rendant au travail.
Ces décisions ont imposé une nouvelle réalité dans le secteur des transports. Il s’agit là de mesures salutaires pour pouvoir éradiquer le covid-19 et, pour l’humanité, d’une occasion de prouver que les leçons des précédentes pandémies ont été tirées.