Ces mesures, assorties d’une suspension de la circulation des transports publics entre les villes, à l’exception des déplacements pour des raisons de santé et professionnelles, ont imposé une nouvelle réalité pour un nombre de navetteurs, qui font encore le trajet entre leur leur domicile et lieu de travail. La MAP a observé ce ralentissement de l’activité ferroviaire et a recueilli des témoignages. Reportage…
06h45, Gare de Kénitra. Sur le quai, rares sont les voyageurs et le slalom des valises et le brouhaha quotidien s’est tû. Le foisonnement habituel en cette heure matinale a laissé place à un paysage désert: cafés fermés, rideaux baissés, plus de files d’attente pour acheter les billets, plus de voyageurs pressés… Seul le ballet des équipes de nettoyage et les rares annonces de départs ou d’arrivée de trains rappellent encore qu’il y a un peu de vie.
En attendant l’ouverture des portes, les passagers, certains arborant des masques ou portant des gants, veillent à se répartir le long du quai au milieu d’appels du contrôleur à s’asseoir à bonne distance de l’un l’autre.
“Il y a plein de place dans le train, séparez-vous !”, lance l’un des contrôleurs, qui se tenait devant l’une des voitures.
Parmi ces voyageurs, quelques personnes âgées se démarquent: une dame âgée descend avec difficulté les escalators que le personnel de la gare à bien voulu bloquer pour lui permettre d’arriver au quai.
Après les remerciements de vigueur, elle arrive au bas des marches et se déplace avec difficulté jusqu’au train en prenant bien soin de cacher sa bouche et son nez avec son foulard et en lançant des regards prudents autour d’elle.
A une bonne distance, Hassan, un homme au visage marqué par les années, attend l’ouverture des portes. Interrogé par la MAP sur le motif de son voyage, ce septuagénaire arborant une Djellaba, nous présente son dossier médical.
“Je me rends à l’hôpital pour mon rendez-vous mensuel. Je ne peux pas le reporter”, assure-t-il, d’une voix tremblante, qui trahit ses inquiétudes.
A bord du train en marche, le silence est désormais maître mot: plusieurs corps de métiers, notamment des policiers, des gens de la maréchaussée et des employés de banques, se côtoient dans un train presque vide. Il y règne un silence mutin interrompu de temps à autre par des sonneries de téléphone et de timides toussotements.
Laila M., une employée de banque qui continue ses déplacements entre Kénitra et Rabat, ne cache pas son angoisse quant à l’évolution du covid-19 dans le monde, assurant toutefois que la suspension de la quasi-totalité des moyens du transport au Maroc est une mesure salutaire pour enrayer sa progression.
“Je ne cache pas que j’ai la peur au ventre chaque fois que je prends le train mais je suis consciente de la nécessité de ma présence à mon agence bancaire pour répondre aux besoins de nos clients. A mon avis c’est un sacrifice nécessaire en ce temps de crise”, confie-t-elle.
“Tous les soirs, je prépare mon voyage en vérifiant les horaires et je n’oublie pas de mettre mon masque avant de sortir de chez moi”, assure cette jeune femme d’une trentaine d’années, qui observe scrupuleusement les mesures barrière et évite consciencieusement de toucher quoi que ce soit.
Sur le chemin du retour, c’est un même rituel qui se répète. Dans toutes les gares encore en activité, dont Rabat ville, un nombre restreint de voyageurs prennent leur mal en patience et attendent l’arrivée du train navette, dont la fréquence est passée d’un départ toutes les 30 minutes en heure de pointe à un train toutes les 2 voire 3 heures.
De retour à la gare de Kénitra, les voyageurs ne se pressent plus vers l’arrêt des petits taxis, habituellement pris d’assaut par les usagers. Désormais, c’est la période des vaches maigres pour une grande partie de chauffeurs de petits taxis de Kénitra, à en croire A.M., qui fait encore le trajet depuis la gare vers certains quartiers de la ville.
Selon lui, les restrictions de circulation ont nui financièrement à beaucoup de ses confrères qui exercent dans la crainte permanente d’être contaminés.
“Les gens ne se déplacement pratiquement plus. Les recettes fondent comme peau de chagrin. Si cela ne tenait qu’à moi j’arrêterais, mais j’ai des charges quotidiennes dont je dois m’acquitter”, déplore A.M, qui reconnait, toutefois, le bien fondé des mesures de restriction de la circulation adoptées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
L’un de ses confrères, diabétique, a décidé, lui, de suspendre son activité. “J’ai choisi de rester chez moi et de ne plus travailler, soucieux de ma santé. C’est une décision très contraignante pour moi au plan pécuniaire mais j’ai bon espoir que nous connaîtrons des jours meilleurs”, assure par téléphone, ce cinquantenaire, père de deux enfants.