Porté à la présidence de l’ANC en décembre 2017 puis à la tête du pays deux mois plus tard, Ramaphosa se battait sur tous les fronts pour solder l’héritage catastrophique de son prédécesseur Jacob Zuma.
Avec sa pris du pouvoir, l’Afrique du Sud semblait avoir en fin le vent en poupe. La confiance des investisseurs et avec eux d’une population aux prises avec une grave crise sociale, avait commencé à s’améliorer. C’était la Ramaphorie.
Toutefois, l’espoir a été de courte durée. Le pays a de nouveau sombré dans la crise. Les entreprises publiques, victimes de longues années de mauvaise gouvernance et de corruption, précipitaient la descente du pays dans la catastrophe.
Les raisons n’étaient pas difficiles à déchiffrer. Des poches de résistance, nostalgiques de l’ère du népotisme et de la capture de l’Etat, tenaient en otage le président et avec lui le pays. Le patron de l’Union Buildings, quartier général du gouvernement à Pretoria, semblait avoir les mains liées derrière le dos.
Certains milieux commençaient même de parler de tentatives d’éviction de Ramaphosa. Ce dernier avait commencé à payer les frais d’une situation qui devenait intenable. Sa popularité avait commencé à reculer parmi des électeurs qui veulent voir des résultats tangibles pour la résorption des énormes défis sociaux du pays dont un chômage affectant 30 pc de la population active et une pauvreté plombant plus de 50 pc de la population globale du pays (environ 58 millions d’âmes).
Cependant, avec le double dilemme de la pandémie du Coronavirus et la crise économique, Ramaphosa dispose d’une occasion d’or pour raffermir son leadership. Telle est la conclusion qui revient dans plusieurs analyses.
Cette double crise, qui est certes le défi le plus redoutable de toute l’histoire de l’Afrique du Sud postapartheid, a eu le mérite d’éclipser les détracteurs de Ramaphosa, lui laissant le terrain libre pour étaler les qualités de négociateur habile reconnues à lui du temps où il conduisait les négociations qui allaient mettre fin au règne de la minorité blanche dans le pays arc-en-ciel il y a plus d’un quart de siècle.
Les critiques qui ciblaient Ramaphosa pour son manque d’action face aux problèmes du pays se sont transformées en éloges. Depuis l’arrivée de la pandémie du Coronavirus dans son pays, Ramaphosa s’est retroussé les manches, se déplaçant dans plusieurs contrées du pays, rassurant ses compatriotes inquiétés par une pandémie qui a fait trembler les économies les plus solides au monde, voire l’économie sud-africaine aux portes de l’effondrement total.
Les analystes de la scène politique sud-africaine ont relevé comment Ramaphosa a déployé ses tactiques de négociateur pour convaincre les redoutables syndicats et les entreprises effrayées par la crise, à se joindre à sa campagne contre le Coronavirus.
Sur le plan économique, la décision de l’agence internationale de Notation, Moody’s, de dégrader la note sud-africaine au niveau spéculatif avec perspective négative, a posé un autre défi de taille au président sud-africain.
Il s’agit d’une dégradation qui devra enfoncer davantage l’Afrique du Sud dans sa crise économique interminable. Des milliards de dollars de capitaux devront quitter le pays et la monnaie sud-africaine, le Rand, devra s’inscrire dans une tendance baissière durable.
Le pays n’écarte plus la redoutable échéance de demander l’aide des institutions de Bretton Woods (Fonds Monétaire International et Banque Mondiale) pour sauver l’économie, sachant que le recours à une telle solution est totalement rejeté, selon la doctrine idéologique de l’ANC.
Ramaphosa a également mobilisé son équipe au cœur de cette crise pour couper court aux demandes de certains cercles au sein de l’ANC de recourir à la planche à billets pour injecter des fonds dans une économie dont les appareils de production sont au point mort.
Homme pragmatique, Ramaphosa, qui était allé affuter ses armes dans le monde des affaires depuis son exclusion du cercle rapproché du pouvoir après la fin du mandat de l’ancien président Nelson Mandela, sait que la situation actuelle de l’Afrique du Sud ne permet plus ni émotion ni discours idéologique d’une ère révolue.
Lundi, il s’est engagé à mettre en œuvre des réformes structurelles pour repositionner l’économie sur une nouvelle trajectoire de croissance. Il s’agit d’une recommandation des institutions financières et économiques internationales dont les agences de notation. Cependant, la revendication s’est toujours heurtée à l’opposition des faucons de l’ANC.
Les commentateurs sud-africains estiment que Ramaphosa doit saisir l’occasion pour faire taire à jamais ses détracteurs au sein du parti, d’autant plus que ces derniers « n’ont rien à offrir » comme alternative pour faire sortir l’Afrique du Sud de l’impasse actuelle.
D’autres analystes plaident pour la prudence, relevant que les semaines et les mois qui viennent montreront jusqu’où Ramaphosa peut aller pour s’imposer dans ses démarches visant à débarrasser l’Afrique du Sud de ces vieux démons qui l’ont enfoncée dans une crise aux lendemains incertains.