Dans les ruelles étroites, bordées de cabanes et d’habitations de fortune, les gens ne semblent pas très inquiets par la propagation rapide du covid-19 dans le pays. Les mesures de confinement décrétées par les autorités ne sont pas respectées comme il se doit dans ces zones qui représentent le visage caché du pays le plus industrialisé d'Afrique.
Ces ghettos surpeuplés sont vulnérables aux pandémies vu le mode de vie des habitants. Mal-informés sur les risques et les dangers de cette pandémie, la distanciation sociale et les autres mesures de prévention ne semblent pas être une priorité.
D'ailleurs, ces quartiers qui abritent environ 30 pc de la population globale du pays, estimée à près de 58 millions d’âmes, manquent cruellement d'infrastructures sanitaires voire même d'accès à l'eau potable. Les familles s'y entassent dans des chambres exiguës et partagent des toilettes extérieures communes avec des dizaines de voisins.
L'ignorance est un autre problème qui complique la situation. Si certains pensent que les sud-africains ont développé une forte immunité, étant donné toutes les autres maladies auxquelles ils ont « survécu », d'autres considèrent cette pandémie comme "une maladie d'homme blanc".
Conscientes de cette réalité, les autorités sud-africaines se trouvent dans une vraie course contre la montre afin d'éviter que le virus ne s'invite dans ces cantons rongés par la pauvreté. Mais tout montre que la situation se complique face à cette crise sanitaire sans précédent qui affecte de plein fouet le pays de Nelson Mandela.
Selon les derniers chiffres officiels du gouvernement, le covid-19 a infecté 1.280 Sud-Africains, soit 110 nouveau cas après seulement deux jours. Cette hausse rapide est un mauvais présage pour les services de santé qui devraient s’exposer à une pression insoutenable en cas de propagation de cette maladie dans les townships.
La ministre sud-africaine des Établissements humains, Lindiwe Sizulu, a déclaré récemment que le gouvernement dispose d'un « plan pour contenir la propagation du virus dans les habitats informels », mais sans donner plus de détail.
Pour le moment, la seule riposte que le gouvernement a prévue est de concentrer ses efforts sur la prévention, notamment à travers le renforcement des patrouilles qui veillent au respect du confinement de 21 jours qui a débuté vendredi dernier.
Lors des premiers jours de ce « lockdown », la police sud-africaine est intervenue pour disperser des rassemblements dans certains bidonvilles et quartiers populaires de Johannesburg, allant parfois jusqu'à utiliser du gaz lacrymogène.
En revanche, la sensibilisation est le maillon faible de l'action du gouvernement. N'ayant pas accès à l'information, les populations des townships ne prennent pas encore la mesure de la situation.
De nombreuses voix, dont notamment celles des professionnels de la santé, se sont élevées pour exprimer leur préoccupation par rapport à l'éventualité d'une infection au niveau des quartiers périphériques des grandes ville. Certains assurent que si le nouveau coronavirus s’introduit dans les townships ce serait « game-over ».
"Si le virus vient ici, il va faire beaucoup de victimes", a dit Nicholas Mashabele, un habitant d'Alexandra, un des plus grands bidonvilles du pays situé tout près de Sandton, centre d’affaires de Johannesburg.
"Nous n'avons pas d'argent pour acheter des produits d'hygiène pour nous protéger. Nous vivons dans une situation à haut risque", a dit Mashabele.
Dimanche, le bidonville de Khayelitsha situé dans la ville du Cap est devenu le premier township affecté par le coronavirus en Afrique du Sud. Les prochains jours seront donc décisifs pour savoir si d'autres townships seront touchés et si le gouvernement est prêt pour faire face à une telle situation. En attendant, les sud-africains retiennent leur souffle.