Le Président a parlé. Serein, l’accent grave, il a souligné avec solennité l’ampleur de la menace. "La vitesse de progression de la maladie nous impose de relever le niveau de la riposte. A défaut, nous courons un sérieux risque de calamité publique", a-t-il lancé aux Sénégalais, annonçant, comme nouvelle disposition, l’état d’urgence déclaré sur toute l’étendue du territoire national, une mesure assortie d’un couvre-feu, de 20 heures à 6 heures.
Entré en vigueur dès lundi à minuit, l’état d’urgence est une disposition qui permettra aux autorités publiques, forces de police et gendarmerie en premier lieu, d’imposer l’application de la panoplie de mesures déjà prises, concernant notamment l’interdiction de tout rassemblement et la limitation des déplacements.
La rigueur urge. Le Sénégal qui a enregistré, au 23 mars, 12 nouveaux cas positifs au coronavirus, compte désormais 79 cas. Et parmi les nouvelles infections au Covid-19, six sont des cas importés, deux des cas contacts mais quatre issus de la transmission communautaire, ce qui doit inquiéter les autorités sanitaires du pays.
Face à la menace, le Sénégalais lambda semble insouciant de la gravité de la situation. Les rues sont bondées de monde, les gens vaquent à leurs occupations habituelles comme si de rien n’était, les marchés et centres commerciaux regorgent de clients et, hormis de rares porteurs de masques et de gants, aucune vigilance ou disposition préventive n’est palpable dans les rues.
En attendant l’imposition du confinement, qui ne pourrait pas tarder vu la cadence des nouvelles infections au Covid-19, certaines personnes, dont les étrangers et la majorité des membres de la forte communauté marocaine établie, en particulier à Dakar, ont opté pour l’auto-confinement, limitant volontairement les déplacements sauf pour les nécessités pressantes.
Pourtant l’Etat, conscient de l’enjeu, a pris une batterie de mesures depuis la découverte des premiers cas positifs au Covid-19.
Depuis le 14 mars, tous les rassemblements sont interdits pendant un mois et les cours sont suspendus, à compter du 16 mars et pour trois semaines, dans les écoles et universités du pays.
Les manifestations prévues en célébration de la fête du 04 avril (fête de l’indépendance) ont été annulées, l’exploitation de tous les vols en provenance et à destination des aéroports du Sénégal a été suspendue, et les frontières avec la Mauritanie fermées.
Autre mesure importante : l’Association des imams et oulémas du Sénégal a décidé de surseoir, jusqu’à nouvel ordre, aux rassemblements de personnes pour les prières hebdomadaires du vendredi et les rituels quotidiens dans les mosquées sur toute l’étendue du territoire national. Une décision osée et courageuse, dans un pays à plus de 95 pc de Musulmans et où les rituels religieux occupent une place primordiale et prioritaire dans le quotidien de la population.
Pour l’accompagnement économique de ces mesures, un Fonds de riposte et de solidarité contre les effets du Covid-19, "FORCE-COVID-19" a été créé et doté de 1000 milliards de FCFA, soit environ 1,5 milliard euro.
Ce Fonds qui sera alimenté par l’Etat et "toutes les bonnes volontés", servira entre autres, à "soutenir les entreprises, les ménages et la diaspora", a fait savoir le chef de l’Etat sénégalais dans son discours.
Touché de plein fouet par la pandémie, à l’instar de plusieurs pays à travers le monde, l’Etat sénégalais fait, ainsi, montre de sa mobilisation pour faire face à la menace. Une menace qui ne semble pas trop inquiéter le Sénégalais lambda qui continue à vaquer à ses occupations habituelles dans une insouciance inquiétante du danger qui guette le pays.