Le président Cyril Ramaphosa est accusé d’avoir pris du temps avant de réagir à la pandémie, qui a affecté jusqu'à présent 202 sud-africains. Dans un discours télévisé dimanche dernier et qui a été retardé plusieurs fois, le patron de l’Union Buildings, quartier général du gouvernement à Pretoria, a annoncé une batterie de mesures dont la fermeture du territoire sud-africain aux ressortissants des pays les plus touchés par le Coronavirus.
Il a également ordonné la fermeture des écoles et l’interdiction des rassemblements publics de plus de 100 personnes.
Toutefois, les lieux publics, notamment les restaurants et autres clubs, restent ouverts chaque jour jusqu'à 18 heures. Les centres commerciaux et les grandes surfaces bourdonnent d’activité avec une affluence des temps normaux.
Cette situation a suscité la colère parmi de larges franges de la population ainsi que dans les rangs des analystes, qui y ont vu un véritable risque pour un pays où le système de santé ne sera pas en mesure de supporter une large pandémie.
Certains commentent, non sans ironie, que les Sud-Africains sont habitués aux épidémies. Le pays souffre, en effet, de l’un des taux les plus élevés au monde du VIH et de tuberculose.
Cependant, les analystes économiques notent que le pays, au regard de la crise économique grave dont il souffre, ne peut pas supporter le cout d’un « Shut-down » complet.
Les autorités semblent jouer sur le facteur temps avant une fermeture qui aggravera, sans doute, la situation économique déjà fragilisée par de longues années de ralentissement, indiquent les analystes.
L’Afrique du Sud se trouve actuellement plongée dans une récession suite à deux trimestres de croissance négative du Produit Intérieur Brut (PIB) à la fin de 2019.
Au milieu de cette crise, le ministre des Finances, Tito Mbweni, a été obligé de rediriger des fonds, initialement alloués pour la relance d’une économie moribonde, vers les efforts désormais consentis par le gouvernement pour mitiger l’impact du Coronavirus.
Cette décision a suscité les critiques des milieux économiques et financiers qui ont souligné que le renforcement et la généralisation des réformes économiques seraient la meilleure réponse au Coronavirus.
Le gouvernement se trouve déjà sous les feux des critiques pour sa décision de réduire les salaires de la fonction publique. Ces coupes, imposées selon le gouvernement par la grave crise de l’endettement qui frappe le pays, devront aggraver une situation sociale déjà explosive en raison d’un chômage qui affecte environ 30 pc de la population active et des inégalités jugées parmi les plus criantes au monde.
Depuis le début de la crise du Coronavirus, l’Afrique du Sud n’a pas cessé de cumuler les pertes. De nombreuses compagnies, notamment les plus fortes du pays, ont perdu des milliards de dollars suite à la chute de leurs valeurs boursières au marché financier de Johannesburg.
Certaines analyses avancent que l’économie sud-africaine déjà en récession, devra sombrer davantage dans cette situation de crise, avec une contraction du PIB allant jusqu'à -6 pc durant les trimestres qui viennent.
Par ailleurs, la pauvreté rampante dans les vastes townships, qui forment de véritables ceintures d’exclusion aux portes des grandes métropoles du pays, aggravent les risques pour l’Afrique du Sud en ce temps de propagation du Coronavirus.
De l’avis même du ministre de la Santé, Zweli Mkhize, le pays doit se préparer à tester des milliers de Sud-Africains par jours. Le responsable estime que la pandémie risque de toucher entre 60 et 70 pc de la population dont le nombre s’élève à environ 58 millions d’âmes.
Les analystes avertissent que l’Afrique du Sud risque de se retrouver dans une situation pire que celle vécue par certains pays européens, en cas de propagation de la pandémie aux townships.
Le Coronavirus, la crise financière, les déficits sociaux, la pauvreté et les inégalités sont les ingrédients de la nouvelle crise qui attend l’Afrique du Sud, indique l’analyste politique, Somadoda Fikeni. (MAP)
AO