Khadija Benhaddouch-
Comme en Europe, le Québec aura été gagné cette année par les contrecoups des politiques controversées sur l'immigration et la laïcité, deux dossiers qui ont façonné l'agenda politique dans la province canadienne.
Au regard de leur impact significatif sur certaines catégories de la société, les mesures annoncées par le gouvernement centriste de François Legault ne cessent d'alimenter des débats houleux par rapport aux éventuelles réalités discriminatoires, selon les opposants à la loi sur la laïcité, et un système migratoire jugé plus serré. S'en est suivies de vives réactions avec la présentation en juin de deux projets de loi : L'un sur la laïcité prévoit l'interdiction des signes religieux pour certains fonctionnaires, et l'autre engage une refonte du système de l'immigration.
Il aura fallu le recours à une procédure d'exception, dite "le bâillon" qui limite le débat sur les textes législatifs. Le recours a un tel procédé a été dénoncé par l'opposition comme "un choix du repli et de l’exclusion", dans une province connue pour sa longue tradition d'accueil des étrangers.
Le nouveau texte de loi prévoit une réforme du processus de sélection des candidats à s'y installer, désormais axé sur les compétences professionnelles officiellement "pour mieux répondre aux besoins en main-d’œuvre".
Les partis de l'opposition ont critiqué un texte "inhumain", déplorant notamment l'"incapacité" de l'exécutif à justifier l'annulation de milliers de dossiers d'immigration.
En effet, pas moins de 18.000 dossiers déposés sous l’ancien système, basé sur le principe du premier arrivé premier servi, ont été purement et simplement recalés.
En novembre le gouvernement du Québec a été contraint de relancer le Programme de l’expérience québécoise (PEQ) permettant aux étudiants et travailleurs temporaires étrangers de s'installer en permanence dans la province canadienne.
Face à l'indignation des milieux universitaires, du monde des affaires et de la politique, l'exécutif a suspendu sa réforme sur l'immigration apportée au PEQ visant à réduire considérablement le nombre d'étudiants et de travailleurs temporaires à compter du 1er novembre, alors que la province souffre d’une pénurie de main-d’œuvre.
Le ministre de l’immigration Simon Jolin-Barrette a dans ce contexte annoncé son intention de "rencontrer l’ensemble des intervenants", y compris les partenaires du marché du travail, en vue de mettre en place un nouveau règlement.
En front commun, les formations d’opposition au Parlement québécois ont exhorté le gouvernement à retirer tout simplement sa réforme destinée à resserrer les règles d’admission au PEQ.
Depuis son arrivée au pouvoir, le cabinet de François Legault n'a pas caché son intention de ramener de 52.000 à 40.000 les seuils d’immigration. Il a cependant prévu de les revoir à la hausse dès 2020 pour atteindre plus tard 50.000 arrivées. Le pourcentage de l’immigration économique passerait alors de 58 %, en 2017, à 65 % en 2022.
Les mesures gouvernementales sur la Laïcité, autre dossier tout aussi controversé, continuent de susciter les critiques, et ce depuis le dépôt du projet de loi en mars dernier.
Et en dépit de son adoption, la loi québécoise sur la laïcité de l’Etat se trouve toujours sous les feux des critiques de plusieurs Québécois, mais aussi des provinces du reste du Canada.
Outre les manifestations organisées par des opposants à cette loi pour protester notamment contre son caractère "discriminatoire", la loi sur la laïcité est également contesté devant les tribunaux par notamment une étudiante en enseignement qui porte le hijab avec l'appui du Conseil national des musulmans canadiens et l'Association canadienne des libertés civiles.
Cette loi qui interdit le port des signes religieux à certains employés de l’État, en particulier les juges, les policiers, les procureurs de la Couronne, les gardiens de prison et les enseignants du secteur public, s’est même invitée aux dernières élections législatives.
Le Premier ministre québécois François Legault avait demandé, au plus fort de la campagne en vue des élections générales, les chefs des partis fédéraux à s’engager à ne pas contester devant les tribunaux ce texte communément appelé "loi 21".
De l'avis du chef de l'exécutif provincial, les nouvelles mesures mettront un terme à un débat vieux de plusieurs années qu'aucun parti ne cherchera à relancer, assurant que le texte serait nécessaire pour la paix sociale.
Un point de vue que le chef intérimaire du Parti libéral du Québec (opposition), Pierre Arcand, ne partage guère. Pour lui, le fait de retirer des droits aux citoyens serait "un grand risque pour la cohésion sociale".
La dernière marque d'indignation en date à l'égard de la loi québécoise remonte à fin novembre lorsque le gouvernement régional de Manitoba a tenté d’attirer les Québécois opposés à la loi 21, à coups de publicité dans les médias de la province francophone.