-(Par Mohamed NASSIRI)-
L’élection d’un nouveau gouvernement reste l’événement ayant le plus marqué l’année 2019 en Grèce où la droite revient en force aux commandes suite à un vote massif des électeurs pour hâter le développement et opérer des choix qui vont engager l’avenir du pays dans une région en mutation perpétuelle.
Cette évolution sous-tendue par la théorie politique qui enseigne que le changement est toujours bénéfique pour insuffler du sang nouveau, est dans une large mesure spécifique au contexte grec, le pays a organisé des élections législatives anticipées le 7 juillet, le peuple a clairement fait son choix et vite le gouvernement de droite s’est mis à l’action.
«Le peuple grec nous a donné un message fort pour changer la Grèce", avait déclaré le Premier ministre, Kyriakos Mitsotakis, au lendemain de la victoire sans appel de son parti « Nouvelle démocratie » (ND) aux dernières législatives.
Avec près de 40 pc des voix pour la ND, une majorité absolue, et 31,5 pour le parti de gauche « Syriza », la scène politique grecque renoue avec la bipolarisation autour de deux partis dominants.
Les deux principaux adversaires rassemblent donc plus de 70 pc des suffrages, un pourcentage qui rappelle la période d'avant la crise de 2010.
Après le mandat d’Alexis Tsipras, la droite a réussi son come back sur la scène politique en Grèce, un pays qui compte environ 10,77 millions d’habitants et considéré comme le berceau de la démocratie occidentale.
La victoire de la ND signifie que la Grèce entame un nouveau cap rendant close ainsi la parenthèse de l’expérience du parti de gauche radicale «Syriza», un mandat indéniablement riche en acquis mais qui a aussi vite montré ses limites pour passer démocratiquement le flambeau à la droite car in fine l’objectif est d’améliorer les conditions de vie des citoyens, le reste n’est qu’une question d’alternance au pourvoir et d’émulation en présentant un programme qui s’adapte le mieux au contexte local et régional mouvant.
Les observateurs de la scène politique grecque notent que le nouveau gouvernement a mis en œuvre une stratégie très pointue pour relever les défis posés, surtout faire sortir définitivement le pays de la crise et réaliser l’objectif d’une Grèce forte qui renoue avec son passé glorieux.
Pour cela, le nouvel Exécutif a mis en œuvre avec célérité une série d'initiatives visant d’abord la réforme de l'Etat, ensuite le renforcement de la sécurité et la promotion du secteur privé avec notamment la baisse des impôts pour faire renaître la classe moyenne.
En termes clairs, il s’agit grosso modo de réaliser quatre objectifs précis à savoir la révision de certaines dispositions de la Constitution comme le mode d’élection du président de la République, la lutte contre l'immigration clandestine, l’incitation des investissements et enfin le renforcement du rôle de la Grèce en Méditerranée orientale, une région en période chaude de redistribution des cartes.
L’atteinte de ces cibles reste toutefois tributaire de moult facteurs endogènes et exogènes.
Sur le plan intérieur, l’efficacité de la stratégie gouvernementale sera évaluée à l’aune des réalisations accomplies sur le terrain puisque la concrétisation des objectifs fixés requiert un laps de temps plus ou moins long comme c’est le cas en matière de lutte contre "le clientélisme" et "la bureaucratie", des maux endémiques en Grèce, estiment les observateurs.
Le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis avait lui-même affirmé qu’en Grèce, la bureaucratie a un coût de 7 pc du Produit intérieur brut (PIB), le taux le plus élevé en Europe.
Sur le front extérieur, les défis à relever concernent surtout le renforcement du contrôle aux frontières et la perspective d’adhésion des pays des Balkans occidentaux à l’Union européenne.
Ce dernier point pose le risque d’une remise en cause de l’accord de Prespa, signé en juin 2018 entre Athènes et Skopje.
Après le refus de l’UE d’ouvrir les négociations d’adhésion de la Macédoine du nord, le Premier ministre macédonien, Zoran Zaev, a annoncé l’organisation d’élections anticipées en avril 2020, c’est pourquoi certains analystes relèvent que l’évolution politique à Skopje suscite l’inquiétude à Athènes qui craint qu’une éventuelle arrivée au pouvoir des nationalistes dans le pays voisin pourrait remettre en cause le respect de l’accord de Prespa.
Les experts soulignent également que « les remous dans le pays voisin compromettent la stabilité dans les Balkans », mettant l’accent sur la «déception » qui a prévalu dans la région suite au refus de l’UE d’ouvrir les négociations d’adhésion de la Macédoine du nord et de l’Albanie et évoquent même le risque d’un « retour du nationalisme » susceptible de déstabiliser les Balkans et de les pousser hors de la zone d’influence européenne.
Justement, les observateurs considèrent cette donne comme un grand défi pour la Grèce et s’interrogent sur sa capacité à s’adapter à cet environnement mouvant et à jouer un rôle plus marqué dans les Balkans avec ces changements historiques qui s’opèrent en Méditerranée orientale.
Sur ce point précis, l’élargissement de la présence militaire américaine en Grèce témoigne d’une reconnaissance des puissances mondiales du rôle stratégique d’Athènes en Méditerranée orientale, estiment les analystes en stratégie internationale.
Face à cette confluence d’événements, un bilan d’étape pourrait être présenté dans deux ans par le parti au pouvoir ND pour dire aux Grecs jusqu’où a-t-il réussi dans sa mission, sinon cogiter sur l’utilité de tester une autre thérapie de choc qui cette fois-ci pourrait impliquer d’autres formations politiques du pays, le but étant de juguler la crise économique considérée comme l’ennemi juré des citoyens.
Même si les officiels grecs soutiennent que la crise fait partie désormais du passé, nombre d’analystes estiment toutefois que le bilan à mi mandat constitue le meilleur timing pour évaluer objectivement l’action gouvernementale.
La patience donc reste de mise et l’adage « wait and see » semble parfaitement s’adapter au contexte politique hellénique.