.-Par Abdelghani AOUIFIA-.
La crise qui affecte la compagnie sud-africaine d’électricité (ESKOM) et le transporteur national (SAA) a atteint son paroxysme durant l’année qui s’achève, symbolisant le déclin de l’Afrique du Sud, jadis présentée comme modèle à suivre dans le continent africain.
Rongées par de longues années de corruption et de mauvaise gouvernance, ESKOM et SAA ne survivent plus que grâce aux interventions de l’Etat, contraint de recourir à des fonds publics qui s’épuisent pour maintenir les deux entreprises à flot.
Le cas d’ESKOM est très révélateur. La compagnie illustre la capture de l’Etat, un système de collusion d’influence et de faveurs qui s’étaient ancré sous l’ancien président Jacob Zuma (2008/2017).
La crise d’ESKOM ponctue désormais le quotidien des Sud-Africains. Les quartiers des grandes villes sont plongés dans le noir, en raison des délestages devenus monnaie courante ces dernières années. La situation s’est aggravée en 2019, sapant ce qui reste de la confiance des investisseurs dans l’avenir de ce pays, où les malheurs économiques et sociaux se multiplient.
Eskom produit et fournit plus de 90 pc des besoins énergétiques de l’Afrique du Sud. Mais l’entreprise n’est plus capable d’assurer ce service. Ses centrales vétustes, mal entretenues, tournent au ralenti.
Depuis 1994, date de la fin de l’apartheid, de nombreux programmes de développement de la compagnie ont été mis en œuvre. Le résultat a été scandaleux, à savoir aucune amélioration de la situation énergétique du pays mais avec une dette de l’ordre de plus de 30 milliards de dollars.
Dans les rapports internationaux, Eskom est souvent citée parmi les freins qui empêchent le décollage économique du pays.
Pour sa part, la SAA, jadis considérée parmi les plus grandes compagnies aériennes du continent africain, fait face à une situation tout aussi catastrophique.
En proie à un endettement sans cesse en hausse, la compagnie a été au bord de l’effondrement en 2019, avant une nouvelle intervention du gouvernement, qui a mis à la disposition du transporteur un nouveau plan de sauvetage.
De l’avis de Ramaphosa, le plan était la seule option viable pour garantir la survie de la compagnie.
La SAA, qui subit des pertes depuis 2011, est plongée dans une grave situation financière avec un endettement très élevé. La compagnie a bénéficié de plans de sauvetage gouvernementaux de l’ordre 20 milliards de rands (environ 1,4 milliards de dollars) durant les trois dernières années. Ces plans n’ont pas été d’un grand apport pour l’entreprise à part son maintien à flot.
Dans un climat de hausse de la dette publique, d’affaiblissement de la croissance économique et de hausse du chômage et de la pauvreté, le gouvernement sud-africain sait qu’il ne peut plus continuer à accorder des rallonges financières aux entreprises publiques.
Les institutions financières et les agences internationales de notation n’ont eu de cesse de tirer la sonnette d’alarme au sujet de cette situation.
Les scénarios retenus pour l’Afrique du Sud sont pour le moins apocalyptiques. Le chômage, qui se chiffre officiellement à 29,1 pc de la population active, devra continuer à grimper, au même titre que la pauvreté qui frappe plus de la moitié de la population (environ 58 millions d’âmes).
Le sort des deux entreprises et celui du pays tout entier sont étroitement liés, c’est pourquoi la survie d’ESKOM et de la SAA est un enjeu majeur du pays.
La crise des deux entreprises reflète la décadence d’une économie autrefois prometteuse, mais qui est aujourd’hui en triste état. Des analyses vont jusqu'à comparer l’Afrique du Sud et sa période de déclin à celle d’un pays en guerre. (MAP)