Voici le texte intégral du Message Royal, dont lecture a été donnée vendredi par M. André Azoulay, Conseiller de SM le Roi.
''Louange à Dieu,
Prière et salut sur le Prophète, Sa Famille et Ses Compagnons.
Monsieur Mo Ibrahim, Président de la Fondation
Mesdames et Messieurs,
Il M’est agréable de M’adresser à votre assemblée, réunie dans le cadre du « Ibrahim Governance Weekend » qui a choisi, cette année, de célébrer son dixième anniversaire, en terre marocaine.
Je salue cette initiative qui donne, à tant de personnalités issues d’horizons divers, l’opportunité de débattre, à Marrakech, de la gouvernance et du leadership en Afrique. Elle contribue à identifier les modes opératoires nécessaires à la construction d’un avenir prospère pour les peuples africains.
Je voudrais à cette occasion féliciter Monsieur Mo Ibrahim pour les efforts qu’il accomplit en faveur de l’amélioration de la gouvernance en Afrique. Je souhaite également saluer sa Fondation pour la conduite de ce Forum : au fil des éditions, celui-ci s’est mué en un rendez-vous important et attendu.
Aussi avons-Nous tenu à placer cette rencontre, sous Notre Haut Patronage, pour témoigner du vif intérêt que Nous portons à la préservation de la sécurité et des droits fondamentaux de nos citoyens ainsi qu’au développement humain et durable en Afrique.
Mesdames, Messieurs,
L’Afrique ne constitue nullement une menace. Ni pour elle-même, ni pour les autres.
Bien au contraire, elle représente un espace de développement durable prometteur et ouvert à tous les partenariats.
Certes, les ressources potentielles dont regorge le Continent attendent toujours leur juste et nécessaire valorisation. Et, de ce point de vue, l’ancrage d’une bonne gouvernance dans le fonctionnement de nos institutions, nos économies et nos sociétés n’est globalement pas encore assuré.
S’agit-il, pour autant, d’une fatalité qui consacrerait « l’afro-pessimisme » encore ambiant ?
Loin s’en faut.
D’abord, la prise de conscience d’insuffisances et de déficits en matière de gouvernance est largement partagée en Afrique.
En outre, une forte et sincère volonté anime les nouvelles élites africaines, politiques, économiques et associatives, désormais de plus en plus à l’écoute des attentes légitimes des populations.
Enfin, plusieurs actions ont d’ores et déjà été menées ; de nouvelles règles de conduite ont été introduites, à l’initiative non seulement, des gouvernements mais aussi des collectivités territoriales et des sociétés civiles.
Ce mouvement inéluctable est destiné à s’amplifier à tous les échelons, local, national, régional et continental.
Il importe désormais de l’organiser dans la cohérence et la synergie. De même, il convient de valoriser, pour les élargir, toutes les actions couronnées de succès.
Mesdames et Messieurs,
Les Etats africains sont attachés aux valeurs universelles.
Néanmoins, les modèles de gouvernance établis par ailleurs ne sauraient, en l’état, y être importés ou imposés car ils émanent d’une accumulation historique spécifique et d’itinéraires particuliers.
Ces modèles pourraient, en revanche, être utilement adaptés et ajustés au contexte africain afin de leur assurer pertinence opérationnelle et appropriation collective.
L’Afrique dispose en outre, elle-même, d’instruments authentiques de solidarité et des pratiques ancestrales qu’il serait injuste d’ignorer mais qu’il suffirait de moderniser, d’amender.
L’Afrique est capable, aujourd’hui, d’imaginer, par elle-même et pour elle-même, des règles de conduites et des schémas organisationnels novateurs.
Ainsi, une gouvernance optimale de notre continent devrait découler d’une combinaison réussie et cohérente d’expériences extérieures adaptées, de modes opératoires internes renouvelés et de pratiques innovantes à l’échelle du Continent.
D’importantes initiatives marocaines attestent du potentiel de succès d’une telle démarche. Je citerai, à titre d’exemples, la réforme structurante de régionalisation avancée, entamée ces dernières années ; la mise au point de schémas de financement innovant, destinés à réaliser des projets phares ; l’instauration d’un fonds souverain qui permet désormais la participation directe d’investissements souverains internationaux aux stratégies nationales de développement et enfin, l’action citoyenne et volontaire de plusieurs grandes entreprises publiques pour allier le développement économique et les réalisations à fort impact social et local.
Les vertus de la coopération Sud-Sud sont indéniables, tant le partage des expériences augmente les capacités de chacun, tant les efforts entrepris, à l’échelle nationale, se trouvent valorisés dès lors qu’ils sont mutualisés, dans le cadre de coopérations régionales et continentales.
Mesdames et Messieurs,
Vos assises se tiennent au lendemain du retour historique du Royaume au sein de sa famille institutionnelle, l’Union Africaine et de sa demande, encouragée par ses partenaires, d’adhésion à la Communauté Economique Des Etats de l'Afrique de l'Ouest, CEDEAO.
Elles M’offrent l’opportunité de rappeler plusieurs convictions profondes sur la marche collective de l’Afrique vers le progrès.
D’abord, toute tentation d’exercer un leadership national en Afrique est vouée à l’échec. Cette vision doit définitivement s’éclipser au bénéfice de la promotion des intérêts communs, de l’effort collectif et du partenariat « gagnant-gagnant ».
Ensuite, si les réalités africaines sont différenciées selon les régions, les climats et les ressources, les défis et les ambitions que nous devons affronter sont les mêmes.
Unis et solidaires, nous gagnerons la bataille du développement inclusif. A défaut, nous continuerons d’agir, avec plus ou moins de succès, au sein de nos frontières nationales, sans jamais affronter les défis qu’ensemble nous pourrions relever, sans jamais bénéficier des fruits additionnels et indispensables d’une co-émergence durable.
Si nous voulons donner à la coopération intra-africaine les moyens d’un tel objectif stratégique, il faut que nous nous partagions nos expériences et nos expertises, que nous recherchions une exploitation optimale de nos complémentarités.
C’est le sens que le Royaume donne à son action depuis plusieurs années, en collaborant avec ses multiples partenaires africains : en témoignent la ratification de nombreux accords de coopération, l’ouverture croissante de ses universités et de ses instituts de formation aux étudiants africains, ainsi que la concrétisation d’importantes initiatives bilatérales et régionales, notamment en matière de sécurité alimentaire, d’énergie, d’infrastructures de production et de service, ou encore de développement humain.
Promouvoir des chaines de valeurs régionales et continentales étayées par de nouveaux investissements ; cibler les priorités ; concevoir une ingénierie financière créative et des mesures d’accompagnement appropriés : telles sont nos priorités, car les capacités de sélection, de mesure d’impact, de montage et d’exécution des projets ainsi que la mobilisation de l’épargne locale sont les conditions de notre ambition pour l’Afrique.
Il sera également nécessaire d’assurer l’ensemble de la démarche dans la transparence, la bonne gouvernance et l’appropriation.
Enfin, l’effort devra, partout, porter sur l’éducation, la formation et le renforcement des capacités de nos générations futures.
Les jeunes méritent, en effet, toute notre attention. C’est pour eux, et à travers eux, que nous œuvrons afin qu’à l’avenir ils puissent bénéficier d’une gouvernance performante, jouir de la plénitude de leurs droits et être les acteurs, sur les plans politique, économique ou associatif, de leur propre épanouissement.
Mesdames, Messieurs,
Une Afrique organisée, solidaire et portée par une gouvernance efficiente est en mesure d’offrir les biens politiques, économiques et sociaux auxquels aspirent légitimement ses habitants.
A cet effet, il ne suffit plus d’être visionnaire pour réussir la métamorphose de l’Afrique. Mais il convient d’associer ingéniosité et dévouement, en favorisant les avancées concrètes probantes par une action politique volontaire.
Leaders politiques, responsables de l’exécutif, élus, entrepreneurs et acteurs engagés de la société civile, toutes les parties prenantes sont appelées à apporter leur contribution, dans le cadre d’une cohérence globale. Je vous invite donc à confronter vos idées et surtout, à formuler des recommandations pertinentes et pratiques.
Elles devront trouver le chemin de la concrétisation, pour répondre à toute une génération d’Africaines et d’Africains qui espèrent et attendent un progrès commun et partagé.
Je vous remercie.
Wassalamou alaikoum warahmatoullahi wa barakatouh".