Voici le texte intégral du message royal dont lecture a été donnée par M. Abdellah Baha, ministre d'Etat.
"Louange à Dieu Prière et salut sur le Prophète, Sa famille et Ses compagnons.
Monsieur le Directeur Général de l’Organisation islamique pour l’éducation, les sciences et la culture,
Excellence, Monsieur le Président, Secrétaire Général de l’Organisation Internationale de la Francophonie,
Excellences, Mesdames et Messieurs,
C’est pour Nous un réel motif de joie que la ville de Fès, capitale culturelle du Royaume du Maroc, abrite cette importante conférence internationale sur le renforcement du dialogue des cultures et des civilisations et le respect de la diversité culturelle.
Nous tenons, tout d’abord, à souhaiter la bienvenue aux éminentes personnalités, du monde de la pensée, de la culture, de la politique, de l’économie, des médias et des associations de la société civile, qui y participent et qui sont nos hôtes dans leur deuxième pays, le Maroc.
Nous saisissons également cette occasion pour rendre hommage aux efforts soutenus déployés par Madame Irina Bokova, Directrice Générale de l’UNESCO, Monsieur Abdulaziz ben Othman Altwaijri, Directeur Général de l’ISESCO, et Notre Frère, Son Excellence Monsieur Abdou Diouf, Secrétaire Général de l’OIF, pour la création d’espaces constructifs d'échanges de points de vue entre des personnalités de divers horizons, la mise en valeur de la diversité culturelle, et la protection de la liberté d’expression.
Le Royaume du Maroc qui s’enorgueillit d’être un membre dynamique de ces Organisations influentes, et membre fondateur de l’Alliance des Civilisations, ne ménagera aucun effort pour continuer à soutenir leur action, contribuer à la mise en œuvre de leurs instruments pertinents et participer activement à la défense des nobles valeurs qu’elles prônent.
L’expression de cet engagement effectif est attestée par l’adhésion du Royaume du Maroc aux normes internationales en la matière, initiées par l’UNESCO et l’ISESCO, en particulier celles figurant dans la Convention de la Protection et la Promotion de la Diversité des Formes d’Expression Culturelle, adoptée par les Etats membres de l’UNESCO en 2005, ainsi que la Déclaration Islamique sur la Diversité Culturelle, adoptée par la 5ème Conférence islamique des ministres de la Culture en 2004.
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Nous avons l’intime conviction que le renforcement du dialogue des cultures et des civilisations et le respect de la diversité culturelle ne sauraient accéder au rang de réalité internationale concrète sans un ancrage national, permettant l’appropriation par chaque citoyen de leurs nobles objectifs.
Ainsi, et se basant sur un capital historique séculaire et un socle identitaire solidement bâti par l’interaction vertueuse entre l’unité et la diversité, la nouvelle Constitution du Royaume a consacré la volonté d’opérer une heureuse synthèse entre les affluents de l’identité nationale et l’attachement aux valeurs universelles.
Ainsi, parallèlement à la consécration d’une véritable charte des droits et libertés fondamentaux, et à la prééminence qu’elle accorde à la religion musulmane tolérante dans le référentiel national, la loi fondamentale du Royaume proclame l’attachement du peuple marocain aux valeurs d’ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue pour la compréhension mutuelle entre les cultures et les civilisations du monde.
Elle réaffirme également la diversité et la cohésion de l’identité nationale, dont l’unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s’est nourrie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen.
C’est ainsi que, outre l’adoption de l’amazighe comme langue officielle de l’Etat au côté de l’arabe, la Constitution a assigné à l’Etat la mission d’œuvrer à la préservation du Hassani, en tant que partie intégrante de l’identité culturelle marocaine unie, ainsi qu’à la protection des parlers et des expressions culturelles pratiqués au Maroc, et l’apprentissage et la maîtrise des langues les plus répandues dans le monde. Tout cela illustre la diversité culturelle et linguistique de notre pays, et la volonté d’en assurer la protection et le développement.
Dans le cadre de la même vision sociétale plurielle, l’accès aux moyens publics de communication a été conditionné par le respect du pluralisme linguistique, culturel et politique de la société marocaine.
De même, Nous ne cessons d’insister sur le rôle du système de l’éducation et de la formation comme espace privilégié pour l’initiation des générations montantes aux valeurs de tolérance, de dialogue et d’ouverture.
Excellences, Mesdames et Messieurs,
En Notre qualité d’Amir Al Mouminine (Commandeur des Croyants), Nous Sommes dépositaire de la mission de garantir le libre exercice des cultes.
Dans le cadre de cette mission sacrée, Nous nous sommes attaché, dès Notre accession au Trône, à une restructuration en profondeur du champ religieux national de manière à préserver la sécurité spirituelle des marocains, dans le cadre des valeurs du rite malékite qui prône la modération et la tolérance, loin de tout obscurantisme ou radicalisme.
Ainsi, Imarat Al Mouminine (Commanderie des croyants) demeure le garant du respect du crédo de toutes les composantes de la société marocaine, et de la protection de ses traditions culturelles ancestrales, fondées sur l’ouverture et l’interaction positive, notamment avec son environnement africain.
Dans ce cadre, Il Nous plaît de rappeler avec fierté les solides relations religieuses et spirituelles qui lient depuis toujours le Maroc avec bon nombre de peuples de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique Centrale.
Animé par Notre foi en la noblesse des principes de la religion musulmane, porteurs d’un message de paix et de fraternité, Nous n’avons cessé d’œuvrer à la promotion de l'image authentique de l'Islam, sciemment pervertie par des campagnes haineuses.
Ainsi, les appels au fanatisme et à l’ostracisme véhiculés par certains prédicateurs de l’Islam sont instrumentalisés pour opérer un amalgame liant l’Islam, religion du juste milieu par excellence, à des actes de violence et de destruction que revendiquent les groupes extrémistes ou terroristes.
Or, l’histoire de l’Islam dément ces thèses erronées. En effet, les musulmans ont vécu aux côtés de croyants de différentes confessions, au Machrek comme au Maghreb, et ont fait preuve d’un esprit d'entraide, d'entente et de tolérance.
En témoignent les liens d’échange qui s'étaient solidement tissés à travers les siècles entre les musulmans et les non musulmans du pourtour méditerranéen. Cette symbiose a permis d'apporter une contribution substantielle au développement de la pensée et de la connaissance, à l'essor des arts et des métiers, et à l’enrichissement de la civilisation universelle.
Telle est la voie de la sagesse. Elle nous recommande d’ériger le dialogue entre les civilisations et les cultures en une priorité cruciale, notamment au regard d’une conjoncture marquée par l’ébranlement des référentiels, la montée en puissance du phénomène du terrorisme idéologique, de la criminalité organisée transnationale, de la xénophobie, de l’islamophobie, de l’antisémitisme et d’autres discriminations.
Nous Sommes convaincu qu’un dialogue permanent et constructif entre les Etats et la multiplication des Fora internationaux et régionaux sur les interactions culturelles et la coexistence cultuelle, avec l’implication des jeunes de la société civile dans ces rencontres, sont autant de moyens de contrecarrer pacifiquement et de façon civilisée les démons du fanatisme et de l’ostracisme.
Toutefois, il faut se garder d’emprunter les raccourcis intellectuels en assimilant ouverture et interaction au déni de soi et de tout ce qui est constitutif de la singularité.
C’est pour cette raison qu’il est de notre devoir éthique de veiller au renforcement des voies et moyens d’une connaissance, une entente et une interaction mutuelles entre les peuples. Il importe de capitaliser sur la diversité culturelle et d’en faire un levier pour enrichir la civilisation universelle, et non un moyen d’alimenter les antagonismes et les haines. Cet impératif est la condition sine qua non de succès de toute entreprise de dialogue civilisationnel.
Il incombe donc à l’ensemble des acteurs concernés, institutions nationales, instances internationales, organisations non gouvernementales, milieux académiques et intellectuels, et médias, d’assumer leur responsabilité collective dans la conception et la mise en place des mécanismes opérationnels d’un "vivre ensemble" apaisé et serein.
L’éducation de notre jeunesse à l’ouverture, à l’écoute réciproque et tolérante, à l’altérité et à la diversité est l’antidote efficace au "choc des ignorances" et le pré-requis incontournable pour la préservation de la sécurité et de la paix dans le monde.
A cet égard, Nous tenons à saluer l’idée d’associer les jeunes au débat en ligne sur ces thématiques, étant convaincu de la nécessité d’utiliser tous les canaux disponibles pour être constamment à l’écoute des jeunes, de leurs préoccupations et de leurs aspirations, car c’est eux les faiseurs du monde de demain.
Excellences, Mesdames, Messieurs,
Dans un monde ambivalent, traversé par des crises multiformes, nous ne saurions être de simples témoins de l’émergence d’un nouveau modèle de civilisation universel façonné par la mondialisation et les nouvelles technologies. Nous devons plutôt nous affirmer comme des acteurs fondamentaux de ce processus.
Dans ce contexte, il est capital de faire preuve d’intégrité intellectuelle et d’imagination en vue de forger de nouveaux outils de compréhension et d’action sur le monde, tout en se gardant de tomber dans l’aliénation ou de céder à la tentation de l’ostracisme et du dénigrement d’autrui.
Ayant à l’esprit les complexités de notre époque et de l’interdépendance des problématiques, et nonobstant les crises, les tensions, les guerres et les conflits qu’elle connaît, et malgré les défis développementaux, sociaux, environnementaux et sécuritaires qui se posent à l’humanité, il nous faut disséminer la confiance et les espérances, et garder notre regard tourné vers l’avenir, pour bâtir un monde plus sûr, plus stable, plus équitable, plus humain.
A cet égard, Nous appelons à transcender la vision étriquée selon laquelle les sociétés se réduiraient à de simples Etats et peuples cohabitants ou rivaux, pour parvenir à un concept plus large et plus positif, faisant des nations et des peuples les composantes variées d’une seule entité, à savoir l’humanité. Il appartient donc à chacune de ces composantes de mettre ses potentialités au service de tous, en veillant constamment à la complémentarité et à la cohésion nécessaires.
D’où l’importance de la mise en interaction positive des diverses expressions qui constituent la vraie richesse de l’humanité et d’une prise de conscience de la communauté de destin et de l’inéluctabilité de vivre ensemble, à l’abri de l’égoïsme, du fanatisme et de la haine aveugle.
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Nous sommes persuadé que, grâce à la grande expérience et au savoir – faire des participants, à leur compétence et leur perspicacité, cette conférence contribuera à une meilleure appréhension des problématiques liées au dialogue des cultures et des civilisations, suite aux recommandations et aux propositions pertinentes que vous adopterez au terme des travaux, et ce, dans l’intérêt bien compris de l’humanité tout entière.
En vous réitérant Nos vœux de bienvenue dans votre deuxième pays, le Maroc, Nous vous souhaitons un agréable séjour parmi nous et implorons le Très-Haut de couronner vos travaux de succès.
Wassalamou alaikoum warahmatoullahi wabarakatouh".